Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/300

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et qu’on ne démêle qu’en retournant sur ses pas, et en faisant reflexion sur ce qu’on a vû, elles diminuent très peu le plaisir du lecteur et du spectateur, quand même il lit la piece, ou quand il la voit après avoir été informé de ces fautes. Ceux qui ont lû la critique du cid n’en ont pas moins de plaisir à voir cette tragedie. En effet l’évenement qu’un poëte tragique aura trop laissé prévoir en le préparant grossierement, ne laissera point de nous toucher s’il est bien traité. Cet évenement nous interessera, bien qu’il ne nous surprenne point réellement. Quoique les évenemens de Polieucte et d’Athalie ne surprennent pas veritablement ceux qui ont vû plusieurs fois ces tragedies, ils ne laissent pas de les toucher jusques aux larmes. Il semble que l’esprit oublie ce qu’il sçait des évenemens d’une tragedie dont il connoît parfaitement la fable, afin de mieux joüir du plaisir de la surprise que ces évenemens causent lorsqu’ils ne sont pas attendus. Il faut bien qu’il arrive en nous quelque chose d’approchant de ce que je dis, car après avoir vû vingt fois la tragedie de Mithridate, on est presqu’aussi frappé d’un retour imprevu