Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/301

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de ce prince, quand il est annoncé à la fin du premier acte, que si cet incident de la piece surprenoit veritablement. Notre memoire paroît donc suspenduë au spectacle, et il semble que nous nous y bornions à ne sçavoir les évenemens que lorsqu’on nous les annonce. On s’interdit d’anticiper sur la scene, et comme on oublie ce qu’on a vû à d’autres répresentations, on peut bien oublier ce que l’indiscretion d’un poëte lui a fait reveler avant le tems. L’attrait du plaisir a-t-il tant de peine à étouffer la voix de la raison. Enfin si le charme du coloris est si puissant qu’il nous fasse aimer les tableaux du Bassan, nonobstant les fautes énormes contre l’ordonnance et le dessein, contre la vrai-semblance poëtique et pittoresque dont ils sont remplis, si le charme du coloris nous les fait vanter, bien que ces fautes soient actuellement sous nos yeux lorsque nous les loüons, on peut aisément concevoir comment les charmes de la poesie du stile nous font oublier dans la lecture d’un poeme les fautes que nous y avons apperçues. Il s’ensuit de mon exposition, que le meilleur poeme est celui dont la lecture

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