Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/302

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nous interesse davantage, que c’est celui qui nous seduit au point de nous cacher la plus grande partie de ses fautes, et de nous faire oublier volontiers celles mêmes que nous avons vûes et qui nous ont choquez. Or c’est à proportion des charmes de la poesie du stile qu’un poeme nous interesse. Voilà pourquoi les hommes préfereront toujours les poemes qui touchent, aux poemes reguliers. Voilà pourquoi nous préferons le cid à tant d’autres tragedies. Si l’on veut rappeller les choses à leur veritable principe, c’est donc par la poesie du stile qu’il faut juger d’un poeme, plûtôt que par sa regularité et par la décence des mœurs. Nos voisins les italiens ont deux poemes épiques en leur langue, la Jerusalem délivrée du Tasse, et le Roland furieux de L’Arioste, qui, comme l’iliade et l’éneïde, sont devenus des livres de la bibliotheque du genre humain. On vante le poeme du Tasse pour la décence des mœurs, pour la convenance et pour la dignité des caracteres, pour l’oeconomie du plan, en un mot pour sa regularité. Je ne dirai rien des mœurs, des caracteres, de la décence et du plan du poeme de L’Arioste. Homere

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