Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/357

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Ils n’ont pas le pouvoir que les vers françois doivent avoir sur une oreille françoise. à l’exception d’un petit nombre de mots qui peuvent passer pour des mots imitatifs, nos mots n’ont d’autre liaison avec l’idée attachée à ces mots, qu’une liaison arbitraire. Cette liaison est l’effet du caprice ou du hazard. Par exemple, on a pu attacher dans notre langue l’idée du cheval au mot soliveau, et l’idée de la piece de bois qu’il signifie, au mot cheval. Or ce n’est que durant les premieres années de notre vie que la liaison entre un certain mot et une certaine idée se fait si bien, que ce mot nous paroisse avoir une énergie naturelle ; c’est-à-dire une proprieté particuliere, pour signifier la chose dont il n’est cependant qu’un signe institué arbitrairement. Ainsi quand nous avons appris dès l’enfance la signification du mot aimer, quand ce mot est le premier que nous aïons retenu pour exprimer la chose dont il est le signe, il nous paroît avoir une énergie naturelle, bien que la force que nous lui trouvons vienne uniquement de notre éducation, et de ce qu’il s’est saisi, pour ainsi dire, de la premiere place dans notre memoire.