Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/478

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et ses cadences si vantées. Néanmoins nous avons un musicien, qui est à la fois grand artisan et homme de sentiment, lequel ne se laisse pas entraîner au torrent. Mais notre poësie aïant été corrompuë par l’excès des ornemens et des figures, la corruption a passé de-là dans notre musique. C’est la destinée de tous les arts, qui ont une origine et un objet commun, que l’infection passe d’un art à l’autre. Notre musique est donc aujourd’hui si chargée de colifichets, qu’à peine y reconnoît-on quelque trace de l’expression naturelle. Ainsi elle n’en est point plus propre à la tragédie, parce qu’elle flate l’oreille, puisque l’imitation et l’expression du langage inarticulé des passions, sont le plus grand mérite de la musique dramatique. Si notre musique nous plaît, c’est parce que nous ne connoissons pas rien de mieux, et parce qu’elle chatoüille les sens, ce qui lui est commun avec le ramage des chardonnerets et des rossignols. Elle est semblable à ces peintures de la Chine, qui n’imitent point la nature, et qui ne plaisent que par la vivacité et par la varieté de leurs couleurs.