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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/100

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il eut continué de marcher avec les brodequins de son dévancier. Il est donc naturel que les jeunes poëtes, qui, au lieu d’imiter la nature du côté que le génie la leur montre, l’imitent du côté par lequel les autres l’ont imitée, qui forcent leur talent, et le veulent assujettir à tenir la même route qu’un autre tient avec succès, ne fassent d’abord que des ouvrages médiocres. Ce sont des aînez indignes ordinairement de leurs cadets. Il seroit inutile cependant de vouloir engager de jeunes gens, pressez par l’émulation, excitez par l’activité de l’ âge, et entraînez par un génie impatient de s’annoncer au public, d’attendre à se produire qu’ils eussent connu l’espece dont est leur talent, et qu’ils l’eussent perfectionné. On leur représenteroit en vain qu’ils peuvent gagner beaucoup à surprendre le public : que le public auroit bien plus de véneration pour eux, s’il ne les avoit jamais vû des apprentifs : que des chef d’ œuvres inesperez, contre lesquels l’envie n’a point eu le temps de cabaler, font bien un autre progrès que des ouvrages attendus long temps, qui trouvent les rivaux sur leurs gardes, et dont on peut définir l’auteur par un poëme