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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/103

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main tremblante se refuse à l’imagination encore vigoureuse. Le génie est dans les hommes, ce qui vieillit le dernier. Les vieillards les plus caducs se raniment : ils redeviennent de jeunes gens, dès qu’il s’agit des choses qui sont du ressort de la profession dont la nature leur avoit donné le génie. Faites parler de guerre cet officier décrépit, il s’échauffe comme par inspiration ; on diroit qu’il se soit assis sur le trépied : il s’énonce comme un homme de quarante ans, et il trouve les choses et les expressions avec la facilité que donne, pour penser et pour parler, un sang petillant d’esprits. Plusieurs témoins oculaires m’ont raconté, que Le Poussin avoit été jusques à la fin de sa vie un jeune peintre du côté de l’imagination. Son mérite avoit survécu à la dextérité de sa main, et il inventoit encore quand il n’avoit plus les talens nécessaires à l’éxecution de ses inventions. à cet égard, il n’en est pas tout-à-fait des poëtes comme des peintres. Le plan d’un long ouvrage, dont la disposition pour être bonne, veut être faite dans la tête de l’inventeur, ne peut être produit sans le secours de la mémoire ; ainsi ce plan doit se sentir de l’affoiblissement de cette faculté : suite trop