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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/119

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Auguste, sans Mécene, et sans concurrens, Virgile auroit bien été déterminé par l’impulsion du génie, et par le desir de se distinguer à cultiver son talent. Il se seroit bien rendu capable de composer une éneïde, mais on peut croire qu’il n’auroit pas eu la perseverance necessaire pour terminer un si long ouvrage. Peut être n’aurions-nous de Virgile que quelques églogues qui auroient coulé sans peine d’une veine abondante, et l’esquisse de l’éneïde dont il auroit terminé un livre ou deux. Les grands artisans ne sont pas ceux à qui leurs productions coûtent le moins. Leur inaction vient souvent de la crainte qu’ils ont des peines que leur coûtent des ouvrages dignes d’eux, quand il semble que c’est la paresse qui les tient dans l’oisiveté. Comme des matelots qui viennent de mettre pied à terre, après avoir vû, pour me servir de l’expression d’un ancien, la mort dans chaque flot qui s’approchoit d’eux, sont dégoûtez pour un temps de s’exposer aux perils de la mer, de même un bon poëte qui sçait combien il lui en a coûté pour terminer sa tragédie, n’entreprend pas si volontiers d’en faire une autre. Il faut qu’il se repose durant un