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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/187

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Le lecteur voit déja quels faits je vais emploïer pour montrer que le progrès des beaux arts vers la perfection, devient subit tout-à-coup, et que ces arts franchissant en peu de temps un long espace, sautent de leur levant à leur midi. Dès le treiziéme siecle, la peinture renaquit en Italie sous le pinceau de Cimabué. Il arriva bien que plusieurs peintres se rendirent illustres dans les deux siecles suivans, mais aucun ne se rendit excellent. Les ouvrages de ces peintres, si vantez de leur temps, ont eu en Italie le sort que les poësies de Ronsard ont eu en France : on ne les recherche plus. En mil quatre cent quatre-vingt, la peinture étoit encore un art grossier en Italie, où depuis deux cens ans on ne cessoit de la cultiver. On dessinoit alors scrupuleusement la nature, mais sans l’annoblir. On finissoit les têtes avec tant de soin, qu’on pouvoit compter les poils de la barbe et des cheveux. Les draperies étoient des couleurs très-brillantes et rehaussées d’or. Enfin la main des ouvriers avoit bien acquis quelque capacité, mais les ouvriers n’avoient pas encore le moindre feu, la moindre