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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/349

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public ne fait pas le procès en un jour aux ouvrages qui réellement ont du mérite. Avant que d’être jugez, ils demeurent un temps, pour ainsi dire, sur le bureau. Or, dès que le mérite d’un ouvrage attire l’attention du public, ces beautez que le public ne sçauroit comprendre sans quelqu’un qui les lui explique, ne lui échappent pas. L’explication des vers qui les renferment, passe de bouche en bouche et descend jusqu’au plus bas étage du public. Il en tient compte à l’auteur quand il définit son ouvrage en general. Les hommes ont du moins autant d’envie de dire ce qu’ils sçavent, que d’apprendre ce qu’ils ne sçavent pas. D’ailleurs je ne pense point que le public jugeât mal d’un ouvrage en general, quand bien même quelqu’unes de ces beautez lui seroient échappées. Ce n’est point sur de pareilles beautez qu’un auteur sensé qui compose en langue vulgaire, fonde le succès de son poëme. Les tragédies de Corneille et de Racine ne contiennent pas chacune quatre traits pareils à celui de Mithridate que nous avons cité. Si une piece tombe, on peut dire qu’elle seroit tombée de même quand le public entier auroit eu l’intelligence de