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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/364

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piece par voïe d’examen. La discussion seroit encore aussi sujette à erreur, qu’elle seroit fatiguante pour l’écrivain et dégoutante pour le lecteur. Ce que l’analyse ne sçauroit trouver, le sentiment le saisit d’abord. Le sentiment dont je parle est dans tous les hommes, mais comme ils n’ont pas tous les oreilles et les yeux également bons, de même ils n’ont pas tous le sentiment également parfait. Les uns l’ont meilleur que les autres, ou bien parce que leurs organes sont naturellement mieux composez, ou bien parce qu’ils l’ont perfectionné par l’usage fréquent qu’ils en ont fait et par l’expérience. Ceux-ci doivent s’appercevoir plûtôt que les autres du mérite ou du peu de valeur d’un ouvrage. C’est ainsi qu’un homme, dont la vûë porte loin, reconnoît distinctement d’autres hommes à la distance de cent toises, quand ceux qui sont à ses côtez discernent à peine la couleur des habits des hommes qui s’avancent. Quand on en croit son premier mouvement, on juge de la portée des sens des autres, par la portée de ses propres sens. Il arrive donc que ceux qui ont la vûë courte, hésitent quelque-temps à se rendre au sentiment de