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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/383

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l’art pour laquelle ils sont prévenus. Le sort des artisans sans génie est de s’attacher principalement à l’étude de quelque partie de l’art qu’ils professent, et de penser après y avoir fait du progrès, qu’elle est la seule partie de l’art bien importante. Le poëte dont le talent principal est de rimer richement, se trouve bien-tôt prévenu que tout poëme dont les rimes sont négligées ne sçauroit être qu’un ouvrage médiocre, quoiqu’il soit rempli d’invention, et de ces pensées tellement convenables au sujet, qu’on est surpris qu’elles soient neuves. Comme son talent n’est pas pour l’invention, ces beautez ne sont que d’un foible poids dans sa balance. Un peintre qui de tous les talens necessaires pour former le grand artisan, n’a que celui de bien colorier, décide qu’un tableau est excellent ou qu’il ne vaut rien en general, suivant que l’ouvrier a sçû manier la couleur. La poësie du tableau est comptée pour peu de chose, pour rien même dans son jugement. Il fait sa décision sans aucun égard aux parties de l’art qu’il n’a point. Un poëte en peinture tombera dans la même erreur en plaçant au-dessous du médiocre, le tableau qui manquera dans l’ordonnance et