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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/438

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Admirateur des anciens sans entousiasme, leur lecture l’échauffoit et lui servoit de trépied. Mais comme il met en œuvre hardiment, c’est là toute sa verve, comme il emploïe sans se laisser géner aux regles de notre sintaxe, les beautez ramassées dans ses lectures, elles semblent nées de son invention. Ses libertez dans l’expression paroissent les saillies d’une verve naturelle, et ses vers composez d’après ceux de Virgile et d’Homere ont ainsi l’air original. Les beautez dont ses ouvrages sont parsémez, étoient donc très-capables de plaire à des lecteurs qui ne connoissoient pas les originaux, ou qui en étoient assez idolâtres pour chérir encore leurs traits dans les copies les plus défigurées. Il est vrai que le langage de Ronsard n’est pas du françois ; mais on ne pensoit pas alors qu’il fût possible d’écrire à la fois poetiquement et correctement dans notre langue. D’ailleurs des poesies en langue vulgaire, sont aussi necessaires aux nations polies que ces premieres commoditez qu’un luxe naissant met en usage. Quand Ronsard et les poetes ses contemporains, dont il étoit le premier, parurent, nos ancêtres n’avoient presque aucunes poesies qu’ils pussent lire