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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/466

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mais je nie que les esprits aïent aujourd’hui, generalement parlant, plus de pénétration, plus de droiture et plus de justesse qu’ils n’en avoient dans ces siecles-là. Comme les hommes les plus doctes ne sont pas toujours ceux qui ont le plus de sens, de même le siecle qui est plus sçavant que les autres n’est point toujours le siecle le plus raisonnable. Or, c’est du sens qu’il s’agit ici, puisqu’il s’agit de juger. Dans toutes les questions où les faits sont géneralement connus, un homme ne juge pas mieux qu’un autre, parce qu’il est plus sçavant que lui, mais parce qu’il a plus de sens ou plus de justesse d’esprit. On ne prouvera point certainement par la conduite que les grands et les petits tiennent depuis soixante et dix ans dans tous les états de l’Europe, où l’étude de ces sciences qui perfectionnent tant la raison humaine fleurit davantage, que les esprits y aïent plus de droiture qu’ils n’en avoient dans les siecles précedens, et que les hommes y soient plus raisonnables que leurs ancêtres. Cette date de soixante et dix ans qu’on donne pour époque à ce renouvellement prétendu des esprits est mal choisie. Je ne veux point entrer dans des détails