Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/467

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

odieux pour les états et pour les particuliers, et je me contenterai de dire que l’esprit philosophique qui rend les hommes si raisonnables, et pour ainsi dire, si consequens, fera bien-tôt d’une grande partie de l’Europe ce qu’en firent autrefois les gots et les vandales, supposé qu’il continuë à faire les mêmes progrès qu’il a faits depuis soixante et dix ans. Je vois les arts necessaires négligez, les préjugez les plus utiles à la conservation de la societé s’abolir, et les raisonnemens spéculatifs préferez à la pratique. Nous nous conduisons sans égard pour l’expérience le meilleur maître qu’ait le genre humain, et nous avons l’imprudence d’agir, comme si nous étions la premiere generation qui eut sçu raisonner. Le soin de la postérité est pleinement négligé. Toutes les dépenses que nos ancêtres ont faites en bâtimens et en meubles, seroient perduës pour nous et nous ne trouverions plus dans les forêts du bois pour bâtir ni même pour nous chauffer, s’ils avoient été raisonnables de la maniere dont nous le sommes. Que les roïaumes et les republiques, dira-t-on, se mettent dans la necessité de ruiner, ou leurs sujets qui leur auront prêté, ou le peuple qui soutient