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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/76

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dans leur mémoire que dans leur imagination. Les uns, comme Le Bassan, se livrent de bonne foi à une repetition sincere de leurs ouvrages. Les autres en voulant cacher les larcins qu’ils se font à eux-mêmes, reproduisent sur la scéne leurs personnages déguisez, mais non pas méconnoissables, et ils rendent ainsi leurs larcins encore plus odieux. Le public regarde un ouvrage dont il est en possession, comme un bien qui lui seroit devenu propre, et il trouve mauvais qu’on lui fasse acheter une seconde fois ce qu’il croit avoir déja païé par ses loüanges. Comme il est plus facile de marcher sur les pas d’un autre que de se fraïer de nouvelles routes, un artisan sans génie parvient bien-tôt au dégré de perfection où il est capable de s’élever. Il atteint bien-tôt cette grandeur propre à chaque homme, et après laquelle il ne croît plus. Ses premiers essais se trouvent souvent aussi beaux que les ouvrages qu’il fait dans les temps de sa maturité. Nous avons vû des peintres sans génie, mais devenus célebres pour un temps, par l’art de se faire valoir, travailler plus mal durant l’ âge viril qu’ils ne l’avoient fait durant la jeunesse.