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Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/86

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pour brûler avec céremonie toutes les années un exemplaire de Martial, afin d’appaiser, par ce sacrifice bizarre, les manes poëtiques de Catulle. Revenons aux bornes que la nature a prescrites aux génies les plus étendus, et disons que le génie le moins borné, c’est le génie dont les limites sont moins resserrées que ceux des autres. Or rien n’est plus propre à faire appercevoir les bornes du génie d’un artisan, que des ouvrages d’un genre, dans lequel il n’est point né pour réussir. L’émulation et l’étude ne sçauroient donner à un génie la force de franchir les limites que la nature a prescrites à son activité. Le travail peut bien le perfectionner, mais je doute qu’il puisse lui donner réellement plus d’étenduë qu’il n’en a. L’étenduë que le travail semble donner aux génies n’est qu’une étenduë apparente. L’art leur enseigne à cacher leurs bornes, mais il ne les recule pas. Il arrive donc aux hommes, dans toutes les professions, ce qu’il leur arrive dans la science des jeux. Un homme parvenu dans un certain jeu au point d’habileté dont il est capable n’avance plus, et les leçons des meilleurs maîtres,