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Page:Duliani - La ville sans femmes, 1945.djvu/228

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LA VILLE SANS FEMMES

On a beau faire… vouloir s’évader de cette idée fixe, s’élever, désirer s’arracher à cette obsession de l’amour… Les meilleurs d’entre nous — et j’en connais, et je les observe ! — sont toujours poursuivis par la hantise de renouveler un jour l’étreinte, par la crainte, aussi, d’en être privés à jamais.

Quelle misère, tout de même, que cette maladie tenace, obstinée, qui nous tient attachés à la vie par le bas.

Évidemment, il y a les saints qui renoncent à tout, parce que touchés par la Grâce… Ce sont des êtres rares, qui arrivent à la perfection par une sorte d’illumination innée, ou par stades successifs, après des efforts d’arrachement au cours desquels ils ont laissé, comme le poète, « des lambeaux de leur chair »…

Hé oui !… Mais ce n’est pas donné à tout le monde d’être un saint.

Il y a bien les stoïques, qui fulminent contre la volupté. Mais ils me font un peu l’effet de certains millionnaires qui affirment que « l’argent ne fait pas le bonheur ». Pour en dégoûter les autres, et en profiter d’avantage !

Il suffit de gratter leurs écrits et sous l’écorce on découvre la vérité.

Sophocle avoue : « Combien il est doux de vivre, mais sans sagesse, car c’est le poison de la vie. »

Et, ailleurs, il ajoute : « Je suis content d’être vieux, parce que délivré de l’obsession sexuelle… »

De son côté, Aristote : « L’homme a deux besoins : manger et s’accoupler… »