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LA VILLE SANS FEMMES

« D’ailleurs il n’a pas besoin de notes. Ses mains et ses jambes tordues et nouées par le rhumatisme, qui le retient presque toujours à la maison, lui rappellent les 116 religieuses canadiennes internées, cherchant dans la boue épaisse d’un pied quelques morceaux de charbon, des racines et des brindilles pour faire un petit feu contre l’hiver le plus froid et le plus humide des Vosges.

« Les crampes incessantes de son estomac, comme si la faim restait toujours présente, rappellent les 45 femmes mortes un jour d’avoir mangé des aliments empoisonnés, et les nombreux autres innocents morts de même façon l’année où il a été interné avec eux.

« Son corps émacié, sa vue faiblissante, lui rappellent sans cesse le brutal Prussien qui commandait le camp et finit par le jeter à la porte, sans foyer ni subsistance, parce que, lui dit-il, « vous allez mourir et mes hommes ont assez de tombes à creuser ». Il y a 3 ans de cela, et M. de Martigny n’est pas mort ; mais il avoue : « Je ne comprends pas pourquoi je suis encore en vie ».

Mais M. Ross Harkness cède la parole à M. Paul de Martigny  :

« La caserne de Besançon avait été construite par l’armée française pour loger 2,500 soldats. Après la capitulation on y a enfermé 30,000 prisonniers de guerre. À trois jours d’avis le commandant a reçu l’ordre de transporter ses 30,000 prisonniers dans un autre camp et de nettoyer la caserne pour y recevoir 3,000 civils internés.

« Il a nettoyé l’endroit en faisant décharger les ordures dans la cour à la pelle, par les fenêtres. Il n’a pas fait