Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/252

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mées d’Assyriens ou d’Amalécites, qu’une nuit ou qu’une mer engloutissaient à jamais dans leurs abîmes.

Elle fut réveillée de cette espèce de torpeur par la douce voix de la comtesse Jules, qui s’approchait d’elle avec madame Diane de Polignac, sa belle-sœur.

Au son de cette voix, l’avenir proscrit, le doux avenir, reparut avec ses fleurs et ses palmes dans le cœur de cette femme orgueilleuse : une amie sincère et véritablement dévouée valait plus que dix royaumes.

— Oh ! toi, toi, murmura-t-elle en serrant la comtesse Jules dans ses bras ; il me reste donc une amie.

Et les larmes, longtemps retenues dans ses yeux, s’échappèrent de ses paupières, roulèrent le long de ses joues et inondèrent sa poitrine ; mais, au lieu d’être amères, ces larmes étaient douces ; au lieu de l’oppresser, elles dégonflaient son sein.

Il se fit un instant de silence pendant lequel la reine continuait de tenir la comtesse entre ses bras.

Ce fut la duchesse qui, tout en tenant sa belle-sœur par la main, rompit le silence.

— Madame, dit-elle d’une voix si timide qu’elle était presque honteuse, je ne crois pas que Votre Majesté blâme le projet que je vais lui soumettre. — Quel projet ? demanda la reine attentive, parlez, duchesse, parlez.

Et tout en s’apprêtant à écouler la duchesse Diane, la reine s’appuya sur l’épaule de sa favorite, la comtesse.

— Madame, continua la duchesse, l’opinion que je vais émettre vient d’une personne dont l’autorité ne sera point suspecte à Votre Majesté, elle vient de Son Altesse Royale madame Adélaïde, tante du roi. — Que de préambules, chère duchesse, dit gaiement la reine ; voyons, au fait ! — Madame, les circonstances sont tristes. On a beaucoup exagéré la faveur dont jouit notre famille près de Votre Majesté. La calomnie souille l’auguste amitié que vous daignez nous accorder en échange de notre respectueux dévouement. — Eh bien ! duchesse, dit la reine avec un commencement d’étonnement, est-ce que vous ne trouvez point que j’aie été assez brave ? Est-ce que contre l’opinion, contre la cour, contre le peuple, contre le roi lui-même, est-ce que je n’ai point soutenu vaillamment mes amitiés ? — Oh ! Madame, au contraire, et Votre Majesté a si noblement soutenu ses amis, qu’elle a opposé sa poitrine à tous les coups ; en sorte qu’aujourd’hui que le péril est grand, terrible même, les amis si noblement défendus par Votre Majesté seraient des lâches et des mauvais serviteurs s’ils ne rendaient pas la pareille à leur reine. — Ah ! c’est bien, c’est beau ! fit Marie-Antoinette avec enthousiasme en em-