Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/98

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— Eh ! eh ! dit Andrea, qui sait ?

— M. le major Cavalcanti l’est peut-être… mais malheureusement l’hérédité est abolie.

— Pas de politique, Caderousse !… Et maintenant que tu as ce que tu veux et que nous sommes arrivés, saute en bas de ma voiture et disparais.

— Non pas, cher ami !

— Comment, non pas ?

— Mais songes-y donc, le petit, un mouchoir rouge sur la tête, presque pas de souliers, pas de papier du tout et dix napoléons en or dans ma poche, sans compter ce qu’il y avait déjà, ce qui fait juste deux cents francs ; mais on m’arrêterait immanquablement à la barrière ! Alors je serais forcé, pour me justifier, de dire que c’est toi qui m’as donné ces dix napoléons ; de là information, enquête ; on apprend que j’ai quitté Toulon sans donner congé, et l’on me reconduit de brigade en brigade jusqu’au bord de la Méditerranée. Je redeviens purement et simplement le no 106, et adieu mon rêve de ressembler à un boulanger retiré ! Non pas, mon fils ; je préfère rester honorablement dans la capitale.

Andrea fronça le sourcil ; c’était, comme il s’en était vanté lui-même, une assez mauvaise tête que le fils putatif de M. le major Cavalcanti. Il s’arrêta un instant, jeta un coup d’œil rapide autour de lui, et comme son regard achevait de décrire le cercle investigateur, sa main descendit innocemment dans son gousset, où elle commença de caresser la sous-garde d’un pistolet de poche.

Mais pendant ce temps, Caderousse, qui ne perdait pas de vue son compagnon, passait ses mains derrière son dos, et ouvrait tout doucement un long couteau espagnol qu’il portait sur lui à tout événement.

Les deux amis, comme on le voit étaient dignes de se