comprendre, et se comprirent ; la main d’Andrea sortit inoffensive de sa poche, et remonta jusqu’à sa moustache rousse, qu’elle caressa quelque temps.
— Bon Caderousse, dit-il, tu vas donc être heureux ?
— Je ferai tout mon possible, répondit l’aubergiste du pont du Gard en renfonçant son couteau dans sa manche.
— Allons, voyons, rentrons donc dans Paris. Mais comment vas-tu faire pour passer la barrière sans éveiller les soupçons ? Il me semble qu’avec ton costume tu risques encore plus en voiture qu’à pied.
— Attends, dit Caderousse, tu vas voir.
Il prit le chapeau d’Andrea, la houppelande à grand collet que le groom exilé du tilbury avait laissée à sa place, et la mit sur son dos, après quoi, il prit la pose renfrognée d’un domestique de bonne maison dont le maître conduit lui-même.
— Et moi, dit Andrea, je vais donc rester nu-tête ?
— Peuh ! dit Caderousse, il fait tant de vent que la bise peut bien t’avoir enlevé ton chapeau.
— Allons donc, dit Andrea, et finissons-en.
— Qui est-ce qui t’arrête ? dit Caderousse, ce n’est pas moi, je l’espère ?
— Chut ! fit Cavalcanti.
On traversa la barrière sans accident.
À la première rue transversale, Andrea arrêta son cheval, et Caderousse sauta à terre.
— Eh bien ! dit Andrea, et le manteau de mon domestique, et mon chapeau ?
— Ah ! répondit Caderousse, tu ne voudrais pas que je risquasse de m’enrhumer.
— Mais moi ?
— Toi, tu es jeune, tandis que moi je commence à me faire vieux ; au revoir. Benedetto !