Aller au contenu

Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— En doutiez-vous ?

— Non. L’offense a été publique, et chacun en parlait déjà.

— Eh bien ?

— Eh bien ! j’espérais faire changer les armes, substituer l’épée au pistolet. Le pistolet est aveugle.

— Avez-vous réussi ? demanda vivement Monte-Cristo avec une imperceptible lueur d’espoir.

— Non, car on connaît votre force à l’épée.

— Bah ! qui m’a donc trahi ?

— Les maîtres d’armes que vous avez battus.

— Et vous avez échoué ?

— Ils ont refusé positivement.

— Morrel, dit le comte, m’avez-vous jamais vu tirer le pistolet ?

— Jamais.

— Eh bien, nous avons le temps, regardez.

Monte-Cristo prit les pistolets qu’il tenait quand Mercédès était entrée, et collant un as de trèfle contre la plaque, en quatre coups il enleva successivement les quatre branches du trèfle.

À chaque coup Morrel pâlissait.

Il examina les balles avec lesquelles Monte-Cristo exécutait ce tour de force, et il vit qu’elles n’étaient pas plus grosses que des chevrotines.

— C’est effrayant, dit-il ; voyez donc, Emmanuel !

Puis, se retournant vers Monte-Cristo :

— Comte, dit-il, au nom du ciel, ne tuez pas Albert ! le malheureux a une mère !

— C’est juste, dit Monte-Cristo, et moi je n’en ai pas.

Ces mots furent prononcés avec un ton qui fit frissonner Morrel.

— Vous êtes l’offensé, comte.