Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/182

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dit être orphelin, et vous vous êtes donné la Corse pour patrie.

— J’ai dit à l’instruction ce qu’il m’a convenu de dire à l’instruction, car je ne voulais pas que l’on affaiblît ou que l’on arrêtât, ce qui n’eût point manqué d’arriver, le retentissement solennel que je voulais donner à mes paroles.

Maintenant je vous répète que je suis né à Auteuil, dans la nuit du 27 au 28 septembre 1817, et que je suis le fils de monsieur le procureur du roi de Villefort. Maintenant, voulez-vous des détails ? je vais vous en donner.

Je naquis au premier de la maison numéro 28, rue de la Fontaine, dans une chambre tendue de damas rouge. Mon père me prit dans ses bras en disant à ma mère que j’étais mort, m’enveloppa dans une serviette marquée d’un H et d’un N, et m’emporta dans le jardin où il m’enterra vivant.

Un frisson parcourut tous les assistants quand ils virent que grandissait l’assurance du prévenu avec l’épouvante de monsieur de Villefort.

— Mais comment savez-vous tous ces détails ? demanda le président.

— Je vais vous le dire, monsieur le président. Dans le jardin où mon père venait de m’ensevelir, s’était, cette nuit-là même, introduit un homme qui lui en voulait mortellement, et qui le guettait depuis longtemps pour accomplir sur lui une vengeance corse. L’homme était caché dans un massif ; il vit mon père enfermer un dépôt dans la terre, et le frappa d’un coup de couteau au milieu même de cette opération ; puis, croyant que ce dépôt était quelque trésor, il ouvrit la fosse et me trouva vivant encore. Cet homme me porta à l’hospice des Enfants-Trouvés, où je fus inscrit sous le numéro 57. Trois