Page:Duret - Voyage en Asie.djvu/302

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leur qualité d’animaux sacrés, vaquent en liberté par la ville et, quand il leur plaît de s’aventurer dans les rues étroites, c’est au passant à se garer comme il peut de leurs cornes. On trouve aussi pas mal de mendiants, surtout à la porte des temples, qui se recommandent à la charité des personnes pieuses par leur aspect mal léché et par les énormes plaques de bouse de vache dont ils se couvrent le corps, en qualité d’adorateurs de Siva.

Quant aux fakirs du genre tout à fait extraordinaire, l’espèce s’en perd, aussi bien à Bénarès que dans toute l’Inde. A Bénarès même il n’y a plus aujourd’hui un seul homme qui se tienne assis pendant des années, les yeux immobiles fixés sur son nombril, ou le poing fermé jusqu’à ce que les ongles en poussant lui aient transpercé les chairs. Le scepticisme, au souffle venu d’Europe, fait dans l’Inde son travail souterrain ; les pratiques du bon vieux temps tendent à disparaître. Dans tout Bénarès, le seul fakir intéressant que nous ayons vu était une sorte de jongleur qui, dans un coin de la place publique, se tenait en équilibre sur une jambe, l’autre jambe retenue en l’air dans la main, et encore il pourrait très-bien se faire que ce que nous