Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/199

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core, Stann à qui l’évangélique femme cachait ses tribulations et ses angoisses, continuait de lever le coude.

La veille de Noël, il gelait a décourager un cosaque et notre terrassier longeait la chaussée menant de la cité à son clocher. Le faible garçon avait emprunté cinq francs à l’entrepreneur, son patron, dans l’intention de célébrer glorieusement la férie avec les siens. Ils mangeraient des boudins aux pommes, des noudles et des couquebaques, arrosés d’un tanquart de la bière brune de chez Nand Meivis, la meilleure de la paroisse, et peut-être resterait-il encore assez de miettes du beau double florin pour acheter un Noël en pain d’épices à chacun des moutards.

Il complotait cette régalade à offrir à sa maisonnée, depuis le matin. Aussi, le soleil couché, comme il quittait fiévreusement le chantier ! comme il tournait allègrement le dos aux remparts urbains ! comme il allongeait le pas ! Au moment de croiser l’enseigne d’un cabaret, il fermait les yeux et passait outre. En se tenant à quatre, il parvint à en bouder sept. Une bonne lieue le séparait encore du port ; il sortirait vainqueur de la lutte.

Pour les préserver du froid, il plongeait les mains dans les poches de sa culotte de piloux et, ce qui le réchauffait surtout, c’était, dans le gousset droit, de toucher le rond écu de cinq francs absolument intact.

Cependant la gelée augmentant, Stann considéra qu’un petit sou distrait des quatre-vingt-dix-neuf autres n’ébrécherait pas trop considérablement son trésor et,