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VII

La Cartoucherie.


Ce jour de mai, les brouillards d’un hiver exceptionnellement tenace s’étaient dissipés pour ne laisser flotter dans l’air qu’une évaporation diaphane à travers laquelle l’azur offrait une intéressante pâleur de convalescence et qui s’irisait, à la radieuse lumière, comme un pulvérin de perles fines.

Après une longue maladie contractée le lendemain de son orageux Mardi-Gras, Laurent, aussi convalescent que la saison, faisait sa première sortie de l’hôpital où les praticiens l’avaient sauvé malgré lui et moins, sans doute, par intérêt pour sa personne que pour triompher d’un des cas de typhus les plus opiniâtres et les plus compliqués qui se fussent rencontrés dans l’établissement.

Remis sur pied, rendu à la vie du dehors, il semblait revenir d’un long et périlleux voyage, comme amnistié d’un exil qui aurait duré des années. Aussi jamais, même le jour de sa rentrée à Anvers, la métropole ne lui était apparue sous cet aspect de puissance, de splendeur et de sérénité.

Au port, l’activité se ressentait de la température printanière. La famine récente causée par le blocus de l’Escaut n’avait pas persisté après la débâcle des glaces. Plus que jamais la rade et les docks regorgeaient de navires et une recrudescence formidable succédait à la longue accalmie du trafic.

Les ouvriers travaillaient sans souffrance, heureux de dépenser leurs forces, considérant aujourd’hui la corvée, si