Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/120

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Piron gagna la petite grue qui tend le col à la pointe de la jetée et sert à hisser la norvégienne couchée là, les fonds en l’air. La poulie cria comme un oiseau perdu. Piron virait gaillardement la manivelle en paradant devant la Gaude.

Ses omoplates et ses biceps moutonnaient sous le maillot.

Gaud montait au sémaphore, plié en deux sous un panier ; sa femme le suivit portant les derniers ballots sur ses hanches.

Le Martroger s’approchait et s’éloignait tour à tour du quai, très doucement, sans osciller. On distinguait le fond sablonneux auquel descend une échelle de fonte, où veillaient deux crabes accroupis. Des bancs de minuscules poissons passaient par moment, comme des taches d’ombre.

À bord, les hommes buvaient le coup du départ à même le goulot d’une bouteille, qui circulait à la ronde, quand, pensant aux siens, Piron demanda :

— Et l’ père ?

— Il liche toujours et cogne sur sa bonne femme.

— Y a du bon, rigola le gars, c’est qu’il s’porte bien s’il s’embreuve et rosse la mère.

Le matelot hissa les focs, puis déborda à la gaffe le sloop pesant qui fit cinq brasses et s’immobilisa. Il fallut parer les avirons de quinze pieds pour