Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/121

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gagner le vent, que l’on voyait friser la mer hors de l’abri de l’île.

Toute à ses emménagements, la Gaude ne songea pas que cette barque, qui s’éloignait, l’abandonnait sur un rocher solitaire cerné par l’océan sournois. Piron montait à terre en donnant à Gaud des explications sur son poste, puis il rentra au phare.

Dans la cuisine, Sémelin préparait un court-bouillon pour les congres allongés sur la table blanche. Le chat le guettait de son œil fendu de haut au bas. Il flottait une odeur d’oignon, de persil et de vin blanc chauffés. Jean-Baptiste poussa gaiement la porte.

— Sais-tu qui nous arrive ?… La Gaude ! La Sablaise de l’Herbaudière ! une sacrée belle fille !

Il claqua sa langue contre ses dents et attendit l’étonnement de Sémelin. Mais celui-ci ne bronchant pas, Piron reprit :

— Tu l’as bien connue ! son homme naviguait avec Olichon…

Sémelin souleva tranquillement le couvercle de sa casserole dans une bouffée de vapeur. Un peu dépité, Jean-Baptiste se lança dans une longue tirade où passèrent les cancans de l’Herbaudière, la splendeur de la Gaude, la file de ses amants, la fainéantise de Gaud et les coups de poings d’Aquenette. Il aurait voulu rompre le mutisme tenace