Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/178

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semblable était arrivé à Lydgate. Il avait l’esprit prompt ; et souvent, encore tout animé au sortir d’un jeu bruyant, on le voyait se mettre dans un coin et bientôt s’absorber profondément dans le premier livre qui lui tombait sous la main. Tant mieux si c’était Rasselas ou Gulliver ; mais le Dictionnaire de Bailey ou la Bible avec les livres Apocryphes faisaient également son affaire. Il lui fallait absolument quelque chose à lire, quand il n’était pas en train de monter le poney, de courir, de chasser ou d’écouter la conversation des hommes mûrs.

Quand il eut achevé ses classes et ses mathématiques, sans s’y distinguer réellement, on disait de lui qu’avec de la volonté il pourrait arriver à tout, mais il n’avait certainement pas voulu jusque-là. C’était un jeune animal vigoureux, d’une intelligence rapide ; mais nulle étincelle n’avait encore allumé en lui une passion intellectuelle, le savoir lui semblait chose superficielle, facile à acquérir : à en juger par les conversations de ses aînés, il avait déjà plus d’expérience qu’il n’en faudrait pour la conduite de sa vie. Mais, au temps de ses vacances, il entra un jour de pluie dans la petite bibliothèque paternelle, à la recherche d’un livre nouveau ; il avisa enfin une rangée de volumes couverts de poussière, à dos de papier gris et à étiquettes sombres : les volumes d’une vieille encyclopédie auxquels il n’avait jamais touché. Ils se trouvaient sur le rayon le plus élevé et Lydgate était monté sur une chaise pour les atteindre. Mais, ayant ouvert le premier volume, il resta à lire ainsi tout debout dans cette position incommode. Il était tombé sur une page portant le titre d’Anatomie, et le premier passage qui attira ses yeux traitait des valvules du cœur. Lydgate n’était très familier avec aucune sorte de valvules, mais il savait que les valvæ désignaient des portes à battants, et de cette réflexion jaillit une lumière soudaine, qui éveilla en lui la première notion d’un mécanisme artistement combiné, placé