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LES ROUGON-MACQUART

rire, répondre quelque chose. Elle s’échappa, elle entra dans la salle à manger. La pièce était vide. Au milieu des dressoirs pillés, des bouteilles et des assiettes qui traînaient, Maxime et Louise soupaient tranquillement, à un bout de la table, côte à côte, sur une serviette qu’ils avaient étalée. Ils paraissaient à l’aise, ils riaient, dans ce désordre, ces verres sales, ces plats tachés de graisse, ces débris encore tièdes de la gloutonnerie des soupeurs en gants blancs. Ils s’étaient contentés d’épousseter les miettes autour d’eux. Baptiste se promenait gravement le long de la table, sans un regard pour cette pièce, qu’une bande de loups semblait avoir traversée ; il attendait que les domestiques vinssent remettre un peu d’ordre sur les dressoirs.

Maxime avait encore pu réunir un souper très confortable. Louise adorait les nougats aux pistaches, dont une assiette pleine était restée sur le haut d’un buffet. Ils avaient devant eux trois bouteilles de champagne entamées.

— Papa est peut-être parti, dit la jeune fille.

— Tant mieux ! répondit Maxime, je vous reconduirai.

Et comme elle riait :

— Vous savez que, décidément, on veut que je vous épouse. Ce n’est plus une farce, c’est sérieux… Qu’est-ce que nous ferons donc, quand nous allons être mariés ?

— Nous ferons ce que font les autres, donc !

Cette drôlerie lui avait échappé un peu vite ; elle reprit vivement, comme pour la retirer :

— Nous irons en Italie. Ça me fera du bien à la poitrine. Je suis très malade… Ah ! mon pauvre Maxime, la drôle de femme que vous allez avoir ! Je ne suis pas plus grosse que deux sous de beurre.