Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/204

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le docteur Ramond était rompu. On se moquait d’elle, on ne se rendait à aucun de ses désirs. Puis, après un grand mois de rupture, pendant lequel elle n’avait rien compris aux airs apitoyés, aux condoléances discrètes, aux sourires vagues qui l’accueillaient partout, elle venait brusquement de tout savoir, un coup de massue en plein crâne. Et elle qui, lors de la maladie de Pascal, cette histoire de loup-garou, vivant dans l’orgueil et la peur, avait tempêté pour ne pas redevenir la fable de la ville ! C’était pis cette fois, le comble du scandale, une aventure gaillarde dont on faisait des gorges chaudes ! De nouveau, la légende des Rougon était en péril, son malheureux fils ne savait décidément qu’inventer pour détruire la gloire de la famille, si péniblement conquise. Aussi, dans l’émotion de sa colère, elle qui s’était faite la gardienne de cette gloire, résolue à épurer la légende par tous les moyens, mit-elle son chapeau et courut-elle à la Souleiade, avec la vivacité juvénile de ses quatre-vingts ans. Il était dix heures du matin.

Pascal, que la rupture avec sa mère enchantait, n’était heureusement pas là, en course depuis une heure à la recherche d’une vieille boucle d’argent, dont il avait eu l’idée pour une ceinture. Et Félicité tomba sur Clotilde, comme celle-ci achevait sa toilette, encore en camisole, les bras nus, les cheveux dénoués, d’une gaieté et d’une fraîcheur de rose.

Le premier choc fut rude. La vieille dame vida son cœur, s’indigna, parla avec emportement de la religion et de la morale. Enfin, elle conclut.

— Réponds, pourquoi avez-vous fait cette horrible chose qui est un défi à Dieu et aux hommes ?

Souriante, très respectueuse d’ailleurs, la jeune fille l’avait écoutée.

— Mais parce que ça nous a plu, grand’mère. Ne