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LES ROUGON-MACQUART.

quette se tournait fréquemment pour voir l’heure ; quand l’aiguille marqua trois heures moins un quart, il eut un geste désespéré ; il manquait un rendez-vous. Côte à côte, M. Kahn et M. Béjuin restaient immobiles, les bras croisés, les paupières clignotantes, passant des grands panneaux de velours vert au bas-relief de marbre blanc, que la redingote du président tachait de noir. Et, dans la tribune diplomatique, la belle Clorinde, la jumelle toujours braquée, s’était remise à examiner longuement Rougon, qui gardait à son banc une attitude superbe de taureau assoupi.

Le rapporteur, pourtant, ne se pressait pas, lisait pour lui, avec un mouvement rhythmé et béat des épaules.

— « Ayons donc pleine et entière confiance, et que le Corps législatif, dans cette grande et sérieuse occasion, se souvienne de sa parité d’origine avec l’empereur, laquelle lui donne presque un droit de famille de plus qu’aux autres corps de l’État de s’associer aux joies du souverain.

» Fils, comme lui, du libre vœu du peuple, le Corps législatif devient donc à cette heure la voix même de la nation pour offrir à l’auguste Enfant l’hommage d’un respect inaltérable, d’un dévouement à toute épreuve, et de cet amour sans bornes qui fait de la foi politique une religion dont on bénit les devoirs. »

Cela devait approcher de la fin, du moment où il était question d’hommage, de religion et de devoirs. Les Charbonnel se risquèrent à échanger leurs impressions à voix basse, tandis que madame Correur étouffait une légère toux dans son mouchoir. Madame Bouchard remonta discrètement au fond de la tribune du Conseil d’État, auprès de M. Jules d’Escorailles.

En effet, le rapporteur changeant brusquement de