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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

— Et êtes-vous content ? tout marche-t-il à votre gré ?

— Oui, parfaitement, dit-il.

— Allons, tant mieux !

Et elle tourna autour de lui, avec des attentions de garçon de café. Elle le couvait de la flamme mauvaise de ses yeux, comme sur le point de laisser à chaque instant échapper son triomphe. Enfin, elle se décidait à le quitter, quand elle se haussa sur les pieds, pour jeter un regard dans la salle voisine. Puis, lui touchant l’épaule :

— Je crois qu’on vous cherche, reprit-elle, le visage tout allumé.

Merle, en effet, s’avançait respectueusement, entre les chaises et les tables du buffet. Il fit coup sur coup trois saluts. Et il priait Son Excellence de l’excuser. On avait apporté derrière Son Excellence la lettre que Son Excellence devait attendre depuis le matin. Alors, tout en n’ayant pas reçu d’ordre, il avait cru…

— C’est bien, donnez, interrompit Rougon.

L’huissier lui remit une grande enveloppe et alla rôder dans la salle. Rougon, d’un coup d’œil, avait reconnu l’écriture ; c’était une lettre autographe de l’empereur, la réponse à l’envoi de sa démission. Une petite sueur froide monta à ses tempes. Mais il ne pâlit même pas. Il glissa tranquillement la lettre dans la poche intérieure de sa redingote, sans cesser d’affronter les regards de la table de M. Kahn, auquel Clorinde était allée dire quelques mots. Toute la bande à présent le guettait, ne perdait pas un de ses mouvements, dans une fièvre aiguë de curiosité.

La jeune femme étant revenue se planter devant lui, Rougon but enfin la moitié de son verre d’eau sucrée et chercha une galanterie.