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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

— Je ne puis laisser l’orateur employer un pareil terme.

— Très bien, très bien ! cria-t-on à droite.

L’orateur reprit sa phrase, en l’adoucissant. Il s’efforçait d’être très-modéré maintenant, arrondissant de belles périodes qui tombaient avec une cadence grave, d’une pureté de langue parfaite. Mais M. de Marsy s’acharnait, discutait chacune de ses expressions. Alors, il s’éleva dans de hautes considérations, une phraséologie vague, encombrée de grands mots, où sa pensée se déroba si bien, que le président dut l’abandonner. Puis, tout d’un coup, il revint à son point de départ.

— Je me résume. Mes amis et moi, nous ne voterons pas le premier paragraphe de l’adresse en réponse au discours du trône…

— On se passera de vous, dit une voix.

Une hilarité bruyante courut sur les bancs.

— Nous ne voterons pas le premier paragraphe de l’adresse, recommença paisiblement l’orateur, si notre amendement n’est pas adopté. Nous ne saurions nous associer à des remercîments exagérés, lorsque la pensée du chef de l’État nous apparaît pleine de restrictions. La liberté est une ; on ne peut la couper par morceaux et la distribuer en rations, ainsi qu’une aumône.

Ici, des exclamations partirent de tous les coins de la salle.

— Votre liberté est de la licence !

— Ne parlez pas d’aumône, vous mendiez une popularité malsaine !

— Et vous, ce sont les têtes que vous coupez !

— Notre amendement, continua-t-il, comme s’il n’entendait pas, réclame l’abrogation de la loi de sûreté générale, la liberté de la presse, la sincérité des élections…