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terres qui doivent servir à remplir le fossé, selon leurs qualités : ensuite on en fait apporter près du mur & à quelques pieds de largeur, environ un pied d’épaisseur, en commençant par celles qui ont le plus de poussée, réservant pour le haut celles qui en ont moins.

Précaution qu’il faut nécessairement prendre, & sans laquelle il arriveroit que d’un côté le mur ne se trouveroit pas assez fort pour retenir la poussée des terres, tandis que de l’autre il se trouveroit plus fort qu’il ne seroit nécessaire.

Ces terres ainsi apportées, on en fait un lit de même qualité que l’on pose bien de niveau, que l’on incline du côté du terrain pour les empêcher de s’ébouler, & que l’on affermit ensuite en les battant & les arrondissant à mesure : car si on remettoit à les battre après la construction du mur, non-seulement elles en seroient moins fermes, parce qu’on ne pourroit battre que la superficie, mais encore il seroit à craindre qu’on n’ébranlât la solidité du mur.

Ce lit fait, on en recommence un autre, & ainsi de suite, jusqu’à ce que l’on soit arrivé au rez-de-chaussée.

De la pierre en général.

De tous les matériaux compris sous le nom de maçonnerie, la pierre tient aujourd’hui le premier rang ; c’est pourquoi nous expliquerons ses différentes espèces, ses qualités, ses défauts, ses façons & ses usages ; après avoir dit un mot des carrières dont on la tire, & cité les auteurs qui ont écrit l’art de les réunir ensemble, pour parvenir à une construction solide, soit en enseignant les développemens de leur coupe, de leurs joints & de leurs lits relativement à la pratique, soit en démontrant géométriquement la rencontre des lignes, la nature des courbes, les sections des solides, & les connoissances qui demandent une étude particulière.

On distingue deux choses également intéressantes dans la coupe des pierres, l’ouvrage & le raisonnement, dit Vitruve : l’un convient à l’artisan, & l’autre à l’artiste.

Nous pouvons regarder Philibert Delorme, en 1567, comme le premier auteur qui ait traité méthodiquement de cet art. En 1642, Mathurin Jousse y ajouta quelques découvertes, qu’il intitula, le Secret de l’Architecture. Un an après, le P. Derand fit paroître un ouvrage encore plus profond sur cet art, mais plus relatif aux besoins de l’ouvrier. La même année, Abraham Bosse mit au jour le système de Desargue. En 1728, M. de la Rue renouvella le traité du P. Derand, le commenta, & y fit plusieurs augmentations curieuses, ensorte que l’on peut regarder son ouvrage comme le résultat de tous ceux qui l’avoient précédé sur l’art du trait. Enfin, en 1737, M. Fresier, ingénieur en chef des fortifications de Sa Majesté, en a démontré la théorie avec beaucoup de succès.

Il faut savoir qu’avant que la géométrie & la mécanique fussent devenues la base de l’art du trait pour la coupe des pierres, on ne pouvoit s’assurer précisément de l’équilibre & de l’effort de la poussée des voûtes, non plus que de la résistance des pieds droits, des murs, des contreforts, &c. ; de manière que l’on rencontroit, lors de l’exécution, des difficultés que l’on n’avoit pu prévoir, & qu’on ne pouvoit résoudre qu’en démolissant ou retondant en place les parties défectueuses, jusqu’à ce que l’œil fût moins mécontent ; d’où il résultoit que ces ouvrages coûtoient souvent beaucoup, & duroient peu, sans satisfaire les hommes intelligens.

C’est donc à la théorie qu’on est maintenant redevable de la légèreté qu’on donne aux voûtes de différentes espèces, ainsi qu’aux voussures, aux trompes, &c. & de ce qu’on est parvenu insensiblement à abandonner la manière de bâtir des derniers siècles, trop difficile par l’immensité des poids qu’il falloit transporter, & d’un travail beaucoup plus lent.

C’est même ce qui a donné lieu à ne plus employer la méthode des anciens, qui étoit de faire des colonnes & des architraves d’un seul morceau, & de préférer l’assemblage de plusieurs pierres, bien plus faciles à mettre en œuvre.

C’est par le secours de cette théorie que l’on est parvenu à soutenir des plate-bandes, & à donner à l’architecture ce caractère de vraisemblance & de légèreté inconnue à nos prédécesseurs. Il est vrai que les architectes gothiques ont poussé très-loin la témérité dans la coupe des pierres, n’ayant, pour ainsi dire, d’autre but dans leurs ouvrages que de s’attirer de l’admiration.

Malgré nos découvertes, nous sommes devenus plus modérés ; & bien loin de vouloir imiter leur trop grande hardiesse, nous ne nous servons de la facilité de l’art du trait que pour des cas indispensables, relatifs à l’économie, ou à la sujétion qu’exige certain genre de construction : les préceptes n’enseignant pas une singularité présomptueuse, & la vraisemblance devant toujours être préférée, sur-tout dans les arts qui ne tendent qu’à la solidité.

On distingue ordinairement de deux espèces de pierres : l’une dure, & l’autre tendre. La première est, sans contredit, la meilleure : il arrive quelquefois que cette dernière résiste mieux à la gelée que l’autre ; mais cela n’est pas ordinaire, parce que les parties de la pierre dure ayant leurs pores plus condensés que celles de la tendre, doivent résister davantage aux injures des temps, ainsi qu’aux courans des eaux dans les édifices aquatiques.

Cependant, pour bien connoître la nature de la pierre, il faut examiner pourquoi ces deux espèces sont sujettes à la gelée, qui les fend & les détruit.

Dans l’assemblage des parties qui composent la pierre, il s’y trouve des pores imperceptibles remplis d’eau & d’humidité, qui, venant à s’enfler pendant la gelée, fait effort dans ses pores, pour occuper un plus grand espace que celui où elle est

Arts & Métiers. Tome IV, Partie I.
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