Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
290
MAÇ MAÇ


mortier en est excellent pour les ouvrages aquatiques.

Il y a, à Metz & aux environs, de la pierre dure, avec laquelle on fait une excellente chaux qui ne se coule point, & dont le mortier devient si dur, que les meilleurs outils ne peuvent l’entamer : aussi en fait-on des voûtes, sans aucun autre mélange que de gros gravier de rivière.

Des ouvriers, qui n’en connoissoient point la qualité, s’avisèrent de l’éteindre dans des bassins qu’ils couvrirent de sable pour la conserver ; l’année suivante, elle se trouva si dure, qu’ils furent obligés de la rompre à force de coins, & de l’employer comme moellon.

On éteint cette chaux, dit Bélidor, en l’abreuvant d’eau à diverses reprises, après l’avoir couverte de tout le sable qui doit en composer le mortier.

Melun, Corbeil, Senlis, Boulogne & quelques autres, sont les lieux qui fournissent de la chaux à Paris ; Meudon, Ghanville, la Chaussée & les environs de Marli, sont ceux qui fournissent la meilleure, la plus grasse & la plus onctueuse.

Si l’abondance ou la qualité des sels que contiennent certaines pierres, les rendent plus propres que d’autres à faire de bonne chaux, on peut employer des moyens d’en faire d’excellente dans des pays où elle a peu de qualité. Il est nécessaire pour lors que les bassins soient pavés & revêtus de maçonnerie bien enduite dans leur circonférence, afin qu’ils ne puissent perdre aucune partie de l’eau qui sert à l’extinction de la chaux.

On l’éteint & on la coule comme à l’ordinaire ; ensuite on broie bien le tout à force de rabot pendant une heure ou deux, & on la laisse rasseoir à son aise. Le lendemain la matiêre calcaire se trouve déposée au fond du bassin, & la surface est couverte d’une grande quantité d’eau verdâtre, qui contient la plus grande partie des sels dont elle étoit chargée : on recueille cette eau dans des vases ou tonneaux, pour servir à l’extinction d’une nouvelle chaux qui devient par conséquent meilleure, étant composée d’une plus grande abondance de sels.

Cette opération se renouvelle plusieurs fois, jusqu’à ce que la chaux ait acquis la qualité suffisante pour être bonne & onctueuse. Les parties calcaires, demeurées au fond des bassins, ne sont pas tant dépourvues de sels, qu’elles ne puissent encore être employées dans les gros massifs ou autres ouvrages de peu d’importance.

Façons de la Chaux.

On appelle chaux-vive, celle qui bouillonne dans le bassin d’extinction.

Chaux éteinte, celle qui a été détrempée, & que l’on conserve dans les bassins de provision.

Chaux fusée, celle dont les esprits se sont évaporés, pour avoir été trop long-temps exposée à l’air ou à l’humidité avant que d’être éteinte.

Chaux en lait ou lait de chaux, celle qui a été délayée avec beaucoup d’eau, assez ressemblante à du lait, propre à blanchir les murs & plafonds.

Chaux maigre, celle qui, n’étant point onctueuse, contient peu de sels, & ne foisonne point.

Chaux grasse, celle qui forme une pâte onctueuse, & qui contient beaucoup de sels.

Chaux âpre, celle qui contient une grande quantité de sels, comme celles des environs de Metz & de Lyon. Voyez l’art du Chaufournier, tome I de ce Dictionnaire des Arts, pag, 450.

Des excavations des terres & de leurs transports.

On entend par excavation, non-seulement la fouille des terres pour la construction des murs de fondation, mais encore celles qu’il est nécessaire de faire pour dresser & applanir des terrains de cours, avant-cours, basse-cours, terrasses, &c. ainsi que les jardins de ville ou de campagne ; car il n’est guère possible qu’un terrain que l’on choisit pour bâtir, n’ait des inégalités qu’il ne faille redresser pour en rendre l’usage plus agréable & plus commode.

Il y a deux manières de dresser le terrain, l’une qu’on appelle de niveau, & l’autre selon sa pente naturelle ; dans la première on fait usage d’un instrument appelé niveau d’eau, qui facilite le moyen de dresser sa surface dans toute son étendue avec beaucoup de précision ; dans la seconde on n’à besoin que de raser les buttes, & remplir les cavités avec les terres qui en proviennent.

L’excavation des terres, & leur transport, étant des objets très-considérables dans la construction, on peut dire avec vérité que rien ne demande plus d’attention ; si on n’a pas une grande expérience à ce sujet, bien loin de veiller à l’économie, on multiplie la dépense sans s’en appercevoir ; ici parce qu’on est obligé de rapporter des terres par de longs circuits, pour n’en avoir pas assez amassé avant que d’élever des murs de maçonnerie ou de terrasse ; là, parce qu’il s’en trouve une trop grande quantité, qu’on est obligé de transporter ailleurs, quelquefois même auprès de l’endroit d’où on les avoit tirées : de manière que ces terres au lieu de n’avoir été remuées qu’une fois, le sont deux, trois, & quelquefois plus, ce qui augmente beaucoup la dépense ; & il arrive souvent que si on n’a pas bien pris ses précautions, lorsque les fouilles & les fondations sont faites, on a dépensé la somme que l’on s’étoit proposée pour l’ouvrage entier.

La qualité du terrain que l’on fouille, l’éloignement du transport des terres, la vigilance des inspecteurs & des ouvriers qui y sont employés, la connaissance du prix de leurs journées, la provision suffisante des outils dont ils ont le soin, leur entretien, les relais, le soin d’appliquer la force, ou la diligence des hommes aux ouvrages plus ou moins pénibles, & la saison où l’on fait ces sortes d’ouvrages, sont autant de considérations qui exigent une in-