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Quint en 1541, a rendu Alger célèbre. Le grand seigneur en a été long-temps le maître. Mais les concussions des bachas, produisirent une révolution. Ce fut le corsaire Barberousse qui donna la liberté à Alger[1]. Depuis cette époque, le dey est regardé, non pas comme le souverain, mais comme le chef de la régence.

Revenus d’Alger. La maniere dont Alger perçoit ses revenus ordinaires, annonce toute la violence de son gouvernement : des soldats envoyés chaque année dans les provinces, y font l’office de collecteurs des taxes ; cette méthode est simple, mais elle prouve que le souverain est dans un état perpétuel de guerre avec ses sujets. Les revenus ordinaires montent à 600 mille ducats ; on exige ensuite des droits de chaque vaisseau pris & amené par les corsaires ; & l’on sait que ces corsaires courent sus aux vaisseaux de toutes les nations chrétiennes, qui n’ont pas des traités avec Alger.

En 1665, ils prirent environ 2000 vaisseaux aux anglois. Ils entretiennent au moins vingt vaisseaux de guerre bien montés & bien approvisionnés. Les prisonniers qu’ils font sont menés en esclavage ; & on ne peut les en tirer que par de fortes rançons. Ils ont eu quelquefois jusqu’à quarante mille de ces esclaves. Le trésor d’Alger est très-considérable, & on le garde soigneusement.

Réflexions sur la piraterie des algériens. Le brigandage des corsaires d’Alger, qui seroit nuisible à des nations commerçantes, est devenu, par la constitution du gouvernement, le soutien des forces & de la marine d’Alger.

Alger tire de ses pirateries les richesses de son commerce extérieur, car elle vend, sur-tout à l’étranger, les cargaisons des prises & des esclaves.

Commerce d’Alger. Le commerce d’Alger est moins considérable que celui de Maroc. Les anglois, les françois & les juifs de Livourne, le font en concurrence. Les deux premières nations envoient sur leurs vaisseaux, & la derniere sous pavillon neutre, des draps, des épiceries, des papiers, des quincailleries, du café, du sucre, des toiles, de l’alun, de l’indigo, de la cochenille ; & reçoivent en paiement des laines, de la cire, des plumes, des cuirs, des huiles, & les cargaisons des prises. Les retours, quoique d’ailleurs plus forts que les expéditions, ne passent pas annuellement un million de livres. La moitié est pour la France ; & ses rivaux se partagent à peu près le reste.

Indépendamment de ce commerce, qui appartient tout entier à la capitale, il se fait quelques affaires à la Calle, à Bonne & à Coullou, trois autres ports de la république. On auroit vu ce commerce s’étendre & s’améliore, s’il n’avoit pas été soumis à un monopole & à un monopole étranger. D’anciennes stipulations, qui ont été assez communément observées, ont livré cette vaste côte à une compagnie exclusive établie à Marseille. Ses fonds sont de douze cens mille francs ; & son commerce annuel, qui peut monter à huit ou neuf cens mille, occupe trente ou quarante bâtimens. Elle fait ses achats de grain, de laine, de corail & de cuirs avec de l’argent. On peut prédire que ses opérations diminueront à mesure que l’exportation du bled, d’une province à l’autre, rendra l’approvisionnement de la Provence plus facile.

Monnoies. La valeur des espèces n’est pas toujours la même ; elle varie selon les besoins du gouvernement ; mais cette variation est très-peu considérable. Toute personne convaincue de contrefaire des aspres & des sultanines algériennes, est condamnée au feu ; mais celui qui ne répand que des piéces étrangères fausses, est obligé seulement, si la fraude est découverte, d’en donner de bonnes à la place. Lorsque l’on a des sommes considérables à recevoir, on emploie des courtiers qui trompent tout le monde, excepté ceux qui les payent. Ce sont des maures très-fripons & très-adroits, qu’un long usage a rendu habiles à discerner les pièces fausses. Ils se placent ordinairement au coin des rues, & changent toutes sortes de monnoies, sans autre profit que celui de mettre quelques mauvaises piéces parmi les bonnes.

« Dans le gouvernement despotique, dit M. de Montesquieu, ce seroit un prodige si les choses y représentoient leur signe : la tyrannie et la méfiance font que tout le monde y enterre son argent ».

Aussi à Alger, chaque pere de famille a-t-il un trésor enterré. Voyez Logier de Tassis, histoire du royaume d’Alger.

Loix & usages relatifs au commerce. Les banqueroutes sont punies de mort. Celui qui se trouve dans l’impossibilité de satisfaire ses créanciers, doit, pour éviter la rigueur de la loi, livrer à leur discrétion ses biens & sa personne. Les dettes des marchands chrétiens qui ont fait faillite, sont acquittées par le consul ou le corps de la nation.

Si un capitaine de vaisseau veut faire quelques présens à des turcs en place, pour les engager à accélérer l’expédition de ses affaires, il doit déclarer qu’il ne s’engage à rien pour l’avenir ; autrement ces turcs ne manquent pas d’insister à chaque voyage sur le même présent, quoique le même cas ne subsiste plus. Ils appellent ceci demander l’usage. Lorsque l’on le refuse, ils le réclament devant le cadi, qui le confirme, s’il n’a pas été conditionnel ; & l’on peut, d’après cette bassesse, se former une idée de l’administration & du pays d’Alger.

Les marchandises des maures, des turcs & des juifs payent douze & demi pour cent de droit

  1. Voyez l’article Afrique