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avoir obtenu le consentement unanime des états. Son fils & son successeur, qui porta le nom de Louis Ier, partagea aussi l’empire entre ses fils, avec le consentement des états : ce partage causa de grands troubles, qui furent terminés par le traité de Verdun (en 843) ; & par ce traité, Louis le Germanique obtint l’Allemagne jusqu’aux bords du Rhin, & les trois villes de Spire, de Worms & de Mayence : c’est depuis cette époque que l’Allemagne forme un état séparé & indépendant. Le même prince acquit en 870 une partie du royaume de Lorraine ; & Louis le jeune, son fils, y joignit l’autre moitié en 879. Ce dernier avoit partagé la succession paternelle avec ses deux frères en l’année 876 ; Carloman eut le royaume de Bavière, Louis la France orientale, & Charles-le-gros l’Allemagne proprement dite (Allemannia), Charles-le-gros survéquit à ses frères, & non-seulement il hérita de leurs états, mais il joignit encore à la dignité impériale l’Italie & la France, & il réunit ainsi à sa couronne toutes les possessions de Charlemagne, qui composoient autrefois la monarchie des francs. Il étoit foible de corps & d’esprit ; on se plaignit beaucoup de sa mauvaise administration, & les états d’Allemagne le déposerent en 887. Arnould, fils naturel de son frere Carloman, élu roi d’Allemagne, défit les normands, qui ravageoient ses domaines, & il soumit les bohémiens avec le secours des huns. Les huns, qu’on avoit appellés dans l’empire, y firent par la suite beaucoup d’incursions. Louis l’enfant, fils d’Arnould, fut le dernier roi d’Allemagne de la ligne carlovingienne ; il mourut en 911.

Après la mort de ce prince, les états d’Allemagne proposèrent la Couronne à Otton de Saxe ; Otton l’ayant refusée, les états la donnèrent, d’un commun accord, à un seigneur franconien, nommé Conrad, descendant de la fille de Louis le Débonnaire. Celui-ci, assez généreux pour rendre justice au mérite de son ennemi Henri de Saxe, fils d’Otton, le recommanda en mourant aux états, qui le choisirent pour son successeur. C’est à cette époque que l’on place l’origine des duchés de Suabe, de Franconie & de Bavière. Otton, fils & successeur de Henri, recouvra Ia Lorraine, l’Italie & la dignité impériale, & soumit le Jutland & la Bohême. Henri II mourut en 1024, & la race masculine des rois & empereurs saxons s’éteignit. Les états élurent roi, près de Tribur, en pleine campagne, non loin du Rhin, Conrad II, surnommé le Salique ; les peuples d’Italie, qui dépendoient de l’empire germanique, lui accordèrent la dignité impériale. Il ajouta le royaume de Bourgogne à l’empire, il rendit la Pologne tributaire ; c’est sous son regne que l’Eider, d’après une convention avec le Danemarck, fut fixé de nouveau pour la limite de l’empire d’Allemagne. Henri III déposa trois papes, qui se disputoient le siège de Rome, & il en nomma un quatrieme à leur place. Dès ce moment, la vacance du saint-siège fut toujours notifiée à l’empereur ; & à chaque nouvelle élection, ce prince envoyoit à Rome un commissaire pour la diriger. La Hongrie, devenue tributaire de l’empire d’Allemagne, recouvra sa liberté durant les troubles qui agitèrent les règnes de Henri IV & de Henri V. Le premier fut excommunié par le pape, & ensuite déposé par les états ; le second s’empara de la succession de Mathilde, comme le plus proche héritier. Ce Prince conclut en 1122 à Worms, avec le pape Caliste II, un traité par lequel il renonça à l’investiture des dignités ecclésiastiques ; il ne se réserva que le pouvoir d’investir des droits régaliens & des biens séculiers. La race masculine des empereurs franconiens s’éteignit en 1125, à la mort de Henri V.

Le pape fit tomber le choix des états sur Lothaire, duc de Saxe, qui fut enfin reconnu empereur par toute l’Allemagne, après une guerre de dix années : il eut pour successeur Conrard de Hœnstauffen. L’empereur Frédéric I exerça encore son droit de seigneur suzerain sur la ville de Rome & sur le royaume d’Arles ; il obligea la Pologne de payer un tribut à l’empire, & de lui prêter serment de fidélité. Henri VI essaya vainement de rendre la couronne impériale héréditaire dans sa maison. Le pape s’arrogea beaucoup de pouvoir au milieu des disputes survenues entre Philippe & Otton IV ; ce fut aussi à cette époque qu’il affranchit la ville de Rome du domaine suprême des empereurs[1], & qu’il s’empara de toute la succession de Mathilde. L’autorité des empereurs d’Allemagne en Italie se perdit durant le règne du malheureux Frédéric II. Après la mort de Conrad IV, dernier empereur de la maison de Suabe, les états élurent Guillaume, comte de Holland, qui fut tué, & qui ne régna pas deux ans. Sa mort fut suivie d’un grand interrègne ; on élut, il est vrai, deux rois, Alphonse de Castille & Richard d’Angleterre ; mais on a raison de dire que l’Allemagne étoit sans rois, car Alphonse n’y alla jamais, & Richard n’y parut que deux fois, & pour très-peu de temps.

L’élection de Rodolphe de Habsbourg, faite en 1273 par un compromis des électeurs, tira l’Allemagne du cahos où l’avoit jetée le grand

  1. Ce n’est guères que du traité fait vers 1278. entre Nicolas II & Rodolphe de Habsbourg, ou même de l’accord que fit Charles IV en 1355 avant son couronnement à Rome, qu’on doit dater l’affranchissement de cette ville du domaine suprême des empereurs. Le premier traité se trouve dans Cenni, monumenta dominationis pontificiœ tom. 11. Rodolphe avoit fait ratifier sa cession par les électeurs & princes de l’empire. Sur le second, voyez la Dissertation couronnée en 1764 par l’académie de Berlin, touchant l’époque de la souveraineté des papes.