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l’introduction d’un meilleur régime. Telles constitutions subsistent, malgré leurs vices, par des palliatifs appliqués à propos, qui ne résisteroient pas à un remède plus violent. Une réforme, entreprise sans succès, cause toujours du mal. Il est donc de la dernière conséquence de ne se pas laisser abuser par l’envie excessive d’opérer le plus grand bien. Il est beau sans doute de ne se tromper que par un excès d’amour pour le bien public ; mais l’erreur n’en est pas moins dangereuse, & c’est ici l’occasion de dire qu’il faut être sage jusqu’à la sobriété.

Dans la démocratie, l’abolition des loix n’est presque sujette à aucun des inconvéniens qu’elle éprouve dans la monarchie & l’aristocratie, parce que c’est la nation en corps qui consulte & délibère, qui établit & abolit. L’abolition d’une loi y est un acte de la volonté générale : elle a été prévue, desirée, demandée. Si, dans les autres constitutions, elle est de même appellée, préparée par le vœu des peuples, elle sera aussi agréable, & ne souffrira guères plus de difficultés. Il est conforme à l’humanité de délibérer des loix avec ceux qu’elles intéressent. On doit des éloges à l’empereur romain qui disoit au sénat :[1] « Nous assemblerons les grands de notre cour & votre compagnie pour traiter de la loi. Si elle plaît, nous l’établirons, & votre consentement unanime sera confirmé par notre autorité. Nous ne suivrons pas d’autre méthode lorsqu’il s’agira de former une loi. Nous sentons qu’il est de l’intérêt de notre gloire de nous y conformer ».

Charles V, surnommé le Sage, convoqua les états sur quelques plaintes que faisoit la province de Guienne. « Je vous ai assemblés, leur dit-il, pour avoir votre avis, & me réformer si j’ai fait quelque chose que je n’ai pas dû faire ». Ces paroles sont belles & dignes d’un grand roi.

Dans les états où la nation ne conserve d’autre droit que celui de reprendre la puissance législative, lorsque le souverain en abuse d’une manière criante, le prince qui en est dépositaire peut encore placer son trône au milieu de ses sujets, délibérer avec eux ou leurs représentans, des maux de l’état & de leurs remèdes, des loix qu’il est à propos d’abolir, & de celles qu’il importe de leur substituer. Il apprendra de leur bouche ce qui convient le mieux à leurs besoins, à l’honneur, à la prospérité, au bien-être de tous. Les conseils pernicieux des courtisans intéressés ne corrompront point sa droiture naturelle. Il fera le bien, & obtiendra l’amour de ses peuples. Voyez l’article Abrogation & Changemens politiques de ce Dictionnaire. — Voyez aussi l’article Abolition dans le Dictionnaire de Jurisprudence.

ABONDANT, qui vient à ondes, à flots, qui est en grande quantité.

ABONDANCE, s. f. synonime d’affluence, exprime l’état où la multiplicité des productions naturelles, d’amples récoltes, &c. mettent une famille, un pays, un empire.

Il y a deux sortes d’abondance ; l’une occasionnée par le défaut de circulation, qui fait tomber les fruits de la terre en non valeur & qu’accompagne la misère ; l’autre qui suit la paix & la liberté, qui donne un bon prix aux denrées & fait naître l’aisance & la richesse.

Cette dernière sorte d’abondance est due au concours de plusieurs causes ; elle provient non-seulement de la fertilité naturelle du sol, de l’heureux témpérament des saisons, des avances du propriétaire ou du fermier, du travail constant & éclairé du laboureur, mais encore de l’attention avec laquelle le gouvernement veille à ce que les cultivateurs soient possesseurs tranquilles & profitables de leurs propriétés, & puissent disposer, en tout temps & en tout lieu, des productions de leurs terres & du fruit de leur industrie.

Une riche agriculture est la première cause de cette abondance ; mais nulle part l’agriculture ne sauroit être florissante, si le cultivateur, peu sûr de la jouissance de ses propriétés, n’en est que possesseur précaire ou à titre trop onéreux. Sans l’assurance intime de cette jouissance, sans celle des profits qu’elle procure, l’émulation s’éteint & le travail cesse ou diminue, l’abondance fait place à la disette, la richesse à la pauvreté. La jouissance assurée de son gain & l’aisance qui en est la suite, peuvent seules rendre le cultivateur laborieux, & le porter à multiplier les fruits de la terre. Tout homme qui croit pouvoir conserver, travaille pour acquérir, parce que tout homme est avide de jouissances & de richesses ; mais s’il ne voit pas de profit à travailler, s’il craint de perdre le fruit de ses avances & de ses peines, il se décourage, il se rebute, son travail se ressent de l’incertitude de son état, les productions de la terre diminuent, & avec elles le repos & l’aisance.

Ainsi les progrès de l’agriculture & l’abondance des denrées ne dépendent pas seulement de la bonté de la terre & du travail du laboureur, mais de l’assurance qu’il a de jouir de ses fruits, mais de la liberté de les exporter, de les vendre à son gré & pour son plus grand avantage. La facilité du débit & le bon prix seront toujours un attrait puissant, qui excitera le laboureur à augmenter la quantité de ses denrées, à faire de nouveaux efforts pour solliciter la terre à multiplier ses produits. La liberté de vendre & le bon prix des denrées amènent ainsi l’abondance & la richesse, qui ne feront que s’accroître, si l’impôt n’excède

  1. 2. Cod. de leg. & constit. principum & edict.