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donnent le nom d’adresse aux requêtes du parlement au roi, aussi bien qu’aux placets & autres écrits que les corps, villes ou provinces présentent à ce prince dans les occasions extraordinaires & solemnelles, & même aux simples complimens de félicitation. On dit que ces adresses de la part des communautés, villes & provinces d’Angleterre, s’introduisirent lorsque Louis XIV déclara qu’il reconnoissoit le fils du roi Jacques pour prince de Galles ; & que Howard fut l’auteur de cette invention en 1689.

ADULATEUR, ADULATION. On nomme adulateurs ceux qui par bassesse & par intérêt donnent des louanges excessives à une personne qui ne les mérite pas. Nous ne parlerons ici que des adulateurs des princes.

L’adulateur est encore plus bas & plus vil que le flateur. L’adulation est une plante venimeuse qui croît en abondance par-tout, mais principalement dans les cours. On n’ose point dire la vérité à ses supérieurs, & celui qui ne voit personne au-dessus de lui est à-peu-près sûr de ne la jamais connoître. On ne citeroit peut-être pas un exemple d’un prince qui ait appris la vérité de la bouche de ses courtisans, sur les objets dont il lui importoit d’être instruit. La vérité est simple & inaltérable, on ne sauroit la mouler à sa fantaisie. Le mensonge, enfant de l’imagination, est capable au contraire de prendre toutes sortes de formes agréables.

On flatte tous ceux qui occupent de grandes places, & on prodigue aux princes l’adulation la plus vile. Galba étoit méprisé pour son avarice & sa vieillesse ; on détestoit sa sévérité ; cependant la multiplicité de ses adulateurs augmentoit chaque jour. Tout s’abaissoit devant lui, parce qu’il pouvoit tout. Le peuple, le sénat, & les citoyens des noms les plus distingués s’empressèrent de lui demander la mort d’Othon & le bannissement de ses complices. On apprit qu’Othon venoit d’être assassiné ; les courtisans & le peuple se rendirent en hâte au palais ; d’abord ils se félicitèrent mutuellement de la mort d’Othon, mais ils gémirent ensuite de n’avoir pas eu le bonheur de lui porter le coup mortel.

L’adulation amollit l’ame des princes & corrompt leurs mœurs ; elle les rend négligens, paresseux, & leur fait publier leurs devoirs. Comme ils prennent souvent l’adulation pour une sorte de politesse affectueuse, ils imaginent que ceux qui les flattent, les aiment ; & séduits par ces dehors trompeurs, ils donnent leur confiance & les emplois les plus distingués à leurs plus dangereux ennemis. La plupart des maux qu’ils commettent, sont les fruits des leçons & de la bassesse des courtisans. Ils ne se conduiroient point au gré de leurs caprices, si on ne les assurait pas qu’ils peuvent faire ce que bon leur semble.

On leur persuade que les opérations les plus tyranniques, que les violences les plus cruelles, sont le résultat d’un gouvernement juste, & que leur règne est chéri du peuple. Cette fausse idée les empêche de se repentir ou de se corriger. Les flatteurs de Néron tournoient Sénéque en ridicule ; ils lui répétoient chaque jour qu’il n’avoit pas besoin de tuteurs. Ceux de Commode l’indisposèrent également contre des hommes expérimentés qui avoient servi de conseil à son pere. Néron & Commode n’écoutèrent que leurs adulateurs, leur fin fut tragique, & leur mémoire est en exécration. C’est dans l’histoire des empereurs de Rome, qu’on voit sur-tout les effets pernicieux de l’adulation. Lorsque ces monstres couronnés, dont on ne prononce le nom qu’avec horreur, déchiroient le bandeau qui couvroit leurs yeux, ils voyoient leur trône chancelant ou renversé, & quelquefois le glaive du bourreau suspendu sur leur tête. Les adulateurs les assiégoient encore à cette époque. Ils trompoient Galba, peu d’instants avant qu’il ne fût égorgé ; ils lui répétoient qu’il n’avoit rien à craindre. Ce qui fait frémir ; l’adulation est plus grande en proportion de la méchanceté de ceux à qui on l’adresse. Voilà pourquoi, dit Pline, les empereurs les plus détestés furent ceux auxquels on prodigua le plus d’éloges ; car, ajoute-t-il, la dissimulation est plus adroite & plus ingénieuse que la sincérité, la servitude que la liberté, la crainte que l’amour. L’adulation est donc un signe d’esclavage ; elle ne peut subsister avec l’égalité, ni avec la liberté qui est la source de l’égalité. Elle est sur-tout ennemie irréconciliable de la vérité. Les adulateurs qui assiégent un prince, ne manquent jamais d’écarter de lui ce qui pourroit lui donner des lumieres. Aussi les princes les plus livrés à l’adulation, ne s’en apperçoivent-ils pas ; leur aveuglement vient de deux causes : d’abord de l’inclination secrete qu’ont tous les hommes, & sur-tout les grands pour les éloges ; ensuite de la ressemblance de l’adulation avec une affection sincère & un respect légitime.

L’adulation est cruelle à bien d’autres égards. Les adulateurs sont des calomniateurs, qui donnent sans scrupule les conseils les plus sanguinaires. Chaque livre qui les choque est un libelle ; chaque action qui leur déplaît est un crime de trahison ou de sédition.

Si les adulateurs font les tyrans, les tyrans font aussi les adulateurs. Les princes ne seroient jamais tyrans, s’il n’y avoit des hommes assez laches pour caresser la tyrannie. Il leur faut des mains serviles pour exécuter leurs volontés, & des bouches serviles pour en parler avec éloge ; quoique les courtisans de Néron l’exhortassent à tuer sa mère, il n’ordonna ce parricide qu’en frémissant. Dès que son ordre fut exécuté, il parut accablé de remords & de douleurs, il rédouta les suites de son forfait. Mais ceux qui l’environnoient, ne tardèrent pas à dissiper ses frayeurs. Tranquillisé sur ce premier crime, il en commit bientôt de nouveaux ; il s’abandonna aux violences les plus terribles, &