Page:Encyclopédie méthodique - Histoire naturelle, 5, Insectes 2, A-Bom, T4.djvu/18

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Surinam. Voici l’instruction que me donna, à cet égard, cet homme patient.

Il faut avoir deux tables de liège minces ; faire dans une des tables, avec un emporte-pièce, des trous qui pénètrent de la moitié de l’épaisseur ; placer dans chaque trou un œuf, que le trou soit assez profond pour que l’œuf ne le déborde pas ; quand tous les trous sont remplis, on couvre la table, qui les contient, de celle qu’on n’a pas percée ; on les assujettit toutes deux, & on les contient exactement appliquées l’une à l’autre, par une ficelle dont on les entoure ; on les place dans une boîte où elles soient sèchement, qu’on conserve à l’ombre, & qu’on embarque par la plus prochaine occasion : on renferme dans la même boîte une branche de la plante, dont les larves de l’espèce qui a produit les œufs se nourrit ; cette branche sert à indiquer, dans le lieu où les œufs sont envoyés, une plante analogue à celle qui sert de nourriture aux larves dans le climat où se trouve l’espèce dont elles sont ; ou bien on met dans la boîte une note qui indique, 1o. l’espèce d’insecte dont on envoie les œufs ; 2o. le nom de la plante, de l’arbre ou de la substance dont les larves font leur aliment.

Celui qui reçoit les œufs, les retire de la table où ils sont enfermés en les renversant sur une feuille de papier ; il les rassemble dans une petite boîte, qu’il expose à une douce chaleur, soit par le moyen de l’étuve, soit en portant la boîte sur lui dans son sein, comme l’un ou l’autre se pratique à l’égard de la graine ou des œufs des Vers à soie : il recherche en même-tems les plantes les plus analogues à celle dont on lui a envoyé un échantillon, ou cette plante même si elle croît dans le pays ; il en coupe des branches, ou en lève des pieds : il a préparé d’avance une caisse remplie de terre, couverte par une gaze que des cerceaux soutiennent ; il plante les pieds dans cette caisse ; il y place les branches dans des vases remplis d’eau ; il observe les œufs, & à mesure qu’il en sort des larves, il les enlève à l’aide d’un papier roulé qu’il leur présente, sur lequel elles montent, & il les place sur la plante qu’il croit leur convenir ; elles s’y attachent, où elles cherchent, parmi les les plantes analogues, une espèce qui soit davantage de leur goût.

Quand les larves ont une fois fait un choix, il n’y a plus qu’à leur fournir l’aliment qui leur convient. Ce ne peut guère être qu’au printems ou en été qu’on fasse la tentative dont nous nous occupons ; c’est pourquoi le mieux est de laisser la caisse à l’air ; la gaze défend les larves contre les oiseaux & les insectes qui leur nuiroient. On sent qu’on ne peut espérer d’élever des larves provenues d’œufs, envoyées d’un pays éloigné, que celles qui sont d’espèces qui n’ont qu’une génération par an, & dont les œufs n’éclosent qu’au bout de plusieurs mois : mais c’est ce qui a lieu parmi un grand nombre de Papillons.

L’objet dont nous venons de traiter, peur paraître futil, & il le seroit en effet à peu près, s’il ne conduisoit qu’à l’amusement d’élever des larves étrangères, d’avoir des insectes plus frais, mieux conservés que de toute autre manière ; mais il peut résulter des soins qu’on se donneroit un avantage réel : il est très-possible qu’un voyageur découvre une Chenille ou plusieurs Chenilles, dont on rerireroit les mêmes avantages que du Ver à soie, dont l’éducation seroit peut-être plus facile & le produit plus grand ; si cette découverte a lieu dans un pays fort éloigné, il ne paroît pas qu’il y ait d’autre moyen d’y faire passer l’insecte dont on a lieu d’espérer des avantages, que d’envoyer des œufs de son espèce ; & les instructions de M. l’Admiral semblent renfermer tout ce qui peut assurer le transport des œufs, leur réussite après leur arrivée, l’éducation des larves & l’acquisition d’une nouvelle espèce ; ces mêmes instructions pourront donc satisfaire la curiosité de ceux qui n’auront pas d’autre motif, & remplir les vues d’utilité qu’on pourroit être dans le cas de se proposer.