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à distinguer. Quelques personnes recommandent d’avoir, au coin de la boîte, un petit amas de graisse, dans laquelle on pique chaque épingle avant de s’en servir. C’est pour l’empêcher de rouiller & de s’attacher au corps de l’insecte desséché, si on veut la retirer : cette méthode a des avantages, mais nous verrons qu’il est fort aisé de retirer les épingles rouillées, sans gâter les insectes.

Des précautions à observer en plaçant dans la boîte les insectes à mesure qu’on les prend ; de la façon de les faire mourir ; de leur conservation dans la boîte destinée à rassembler ceux qu’on prend en différens tems.

Nous avons parlé déjà plusieurs fois de piquer les insectes, mais nous n’avons pas dit comment on doit les piquer, & en quelle partie. C’est au milieu du corcelet qu’il convient d’enfoncer l’épingle & de la faire entrer de dessus en bas ; on la tient par la tête, & l’on transporte l’insecte, que sa pointe traverse, dans la boîte où on le fixe en enfonçant l’épingle dans la table de liége, ou la couche de cire : il y a deux choses à observer ; 1o. ne pas placer les insectes qui ont des mâchoires assez près les uns des autres, ni des divers insectes, pour qu’ils puissent s’atteindre & se toucher en se remuant autour de l’épingle, car ils se déchirent & s’entre-dévorent : 2o. les insectes qui ont les aîles très-amples ou couvertes de poussière, qui peuvent se détacher, comme les Papillons, gâtent leurs aîles en se débattant, en les frottant les unes contre les autres, ils en brisent les bords & le bout contre le couvercle de la boîte. Quand même elle seroit assez profonde pour qu’on n’eût pas ce dernier risque à courir, les insectes endommageroient encore leurs aîles en les frappant les unes contre les autres, & en les rabattant sur le fond de la boîte. On prévient ces inconvéniens en ne plaçant pas l’épingle sur le dessus du corcelet, mais de côté, & en assujettissant le Papillon sur le fond de la boîte latéralement, & les quatre aîles appliquées les unes contre les autres ; il ne peut les étendre que d’un mouvement commun ; quand elles sont assujetties d’un côté, il ne sauroit les remuer de l’autre ; dans la position indiquée, les aîles, d’un côté, sont assujetties & contraintes par le fond sur lequel elles posent, les deux autres aîles demeurent nécessairement immobiles ; l’insecte cesse de vivre dans cette dure position sans s’être gâté, sans avoir rien perdu, mais les aîles relevées & appliquées les unes conrre les autres ; il est facile de les étendre, comme nous l’allons dire plus bas.

Une plaie transversale à la poitrine feroit, en peu de tems, périr les autres animaux, mais une plaie est peu pour les insectes, ils vivent donc long-tems, un grand nombre plusieurs jours, percés par l’épingle qui les retient. On fait peu d’attention à ce long & horrible supplice, dans lequel les insectes éprouvent le tourment de la douleur que la plaie cause, celui de la faim, la gêne, la contrainte & l’impossibilité cruelle de chercher dans sa misère une attitude qui soulage ; à peine fait-on réflexion que de si petits animaux puissent souffrir, & peut-être même y a-t-il des gens qui pensent qu’ils ne souffrent pas ; en effet, ils ne font entendre aucun cri, aucune plainte, ces expressions de la douleur qui nous font remarquer les animaux par qui nos oreilles en sont frappées, & qui touchent de compassion, au moins un certain nombre de ceux qui les entendent ; mais les insectes sont organisés ainsi que les autres animaux, leur organisation ne peut donc de même être affectée à son détriment, sans qu’ils en éprouvent de la douleur ; ils en donnent des preuves par les efforts superflus qu’ils font pour échapper, pour se soustraire à la contrainte douloureuse dans laquelle ils sont retenus, & par la vîtesse avec laquelle ils fuient quand on leur rend la liberté, si leurs forces n’ont pas été déjà trop épuisées ; les insectes sont donc sensibles, ils souffrent comme les autres animaux, & ceux dont on compose une collection périssent d’un long & cruel supplice.