Page:Encyclopédie méthodique - Histoire naturelle, 5, Insectes 2, A-Bom, T4.djvu/439

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peuvent se reproduire, & qui sont spécialement destinés au travail, c’est-à-dire, à la construction des nids, à l’approvisionnement de tout ce qui est nécessaire, & enfin à élever les petits, comme on peut l’observer dans les abeilles à miel, & toutes celles qui vivent en grandes sociétés. Mais quelques abeilles solitaires paroissent n’avoir point de mulets, car on ne rencontre que des mâles & des femelles ; celles-ci sont chargées seules du soin du ménage. Chaque femelle fait son nid aux approches de la belle saison ; elle construit des alvéoles, dont la figure varie dans les différentes espèces ; elle pond un œuf dans chaque alvéole, y met la provision nécessaire à la nourriture de la larve qui doit en sortir, après quoi elle la ferme soigneusement. Quelques-unes enfin construisent des alvéoles isolés, qu’elles remplissent également de provision, & qu’elles ferment, après y avoir déposé un œuf. Reaumur a donné le nom de pâtée à cette provision : c’est une espèce de miel, un peu moins liquide que le miel ordinaire, que la mère recueille sur les fleurs, & qu’elle prépare dans son estomac, ainsi que le font les abeilles à miel.

Avant de passer à la description des différentes espèces d’abeilles, nous croyons devoir dire un mot de celles qu’il nous importe le plus de connoître.

Personne n’ignore que, parmi les abeilles à miel, il y a des mâles, des femelles & des mulets. On a donné le nom d’ouvrières, operarii, spadones, aux dernières, celles sur qui roule tout le soin du ménage, & qui sont privées de sexe : elles sont très-nombreuses dans chaque société. Les mâles sont désignés sous les noms de bourdon, faux-bourdon, fuci : ils sont beaucoup moins nombreux que les ouvrières. Enfin on a donné le nom de reine à la femelle ; celle-ci est ordinairement seule, & c’est d’elle que dépend l’existence, l’entretien & la multiplication de la société. Il est aisé de distinguer ces trois différentes abeilles. On reconnoît les mâles à la forme du corps, plus velu & plus gros que celui des ouvrières ; leur tête est plus grosse & plus arrondie ; leurs yeux sont plus grands ; leur trompe est plus courte ; ils n’ont point d’aiguillon ; les pattes postérieures n’ont pas les rangées de poils que l’on voit à celles des ouvrières ; enfin, ils sont pourvus des parties de la génération. Si on presse fortement leur ventre on fait sortir un corps charnu, assez gros, composé d’une espèce de crochet, placé au milieu, & de deux appendices latérales, terminées en pointe. Les ouvrières, privées de sexe, n’ont point les parties sexuelles que l’on apperçoit aux mâles ; ni celles que l’on trouve dans le corps des femelles : elles sont plus petites, moins velues ; leurs yeux sont moins gros ; leur trompe est plus longue ; leurs pattes sont garnies de plusieurs rangées de poils courts, serrés & assez roides ; enfin, elles ont un aiguillon presque droit. La femelle est remarquable par sa grandeur, qui est presque double de celle des mâles ; son corps est plus alongé ; sa trompe est plus courte que celle des ouvrières ; les pattes postérieures n’ont pas les rangées de poils que l’on voit à celles-ci ; elle a un aiguillon très-fort, un peu courbé ; on remarque enfin, à sa partie postérieure une petite fente, qui désigne son sexe, & on trouve dans l’intérieur du corps, les ovaires presque toujours remplis d’une quantité d’œufs plus ou moins gros & plus ou moins nombreux, suivant la saison.

Le lieu où les abeilles habitent naturellement est un point de leur histoire, qui n’a point encore été éclairci par les naturalistes. Quelques-uns avancent qu’elles étoient toutes sauvages, fixées dans les vastes forêts de la Moscovie & du Nord, où elles trouvoient aisément à s’établir dans des creux d’arbres antiques ou de rochers escarpés. Mais nous avons beaucoup de répugnance à adopter cette opinion, à moins que par ces déserts de la Moscovie & du Nord, on ne veuille entendre les parties les plus chaudes de la Sibérie, & les frontières de la Perse, où d’habiles observateurs ont retrouvé le type de la plupart des animaux domestiques. Il est bien certain qu’en Italie, dans presque toute l’Asie, & même dans nos provinces méridionales, on trouve souvent des abeilles sauvages.

Sœpe etiam effossis (si vera est fama) latebris,
Sub terrâ fodére larem ; penitusque reperta
Pumicibusque cavis, exesœque arboris antro.

Virg. Georg.. Liv. IV.

Souvent même on les voit s’établir sous la terre,
Habiter de vieux troncs, se loger dans la pierre.

Delile.

Mais il reste à décider si ce font des essaims déserteurs devenus sauvages, ou la continuation de la race primordiale.

S’il faut en croire les voyageurs, nos abeilles à miel se retrouvent en Amérique. Don Ulloa(Mém. Phil. disc. 7.) rapporte que les essaims d’abeilles domestiques se sont beaucoup multipliés à l’isle de Cuba, dans le voisinage de la Havane, pendant un court espace de tems écoulé depuis 1764. Il n’y en avoit pas auparavant dans cette Isle, sinon de sauvages, & d’une espèce différente. Les familles qui jusqu’alors avoient demeuré à Saint-Augustin de Floride, s’étant rendues dans l’isle de Cuba, apportèrent avec elles quelques ruches, qu’elles placèrent à Guanavacoa & en d’autres lieux, par pure curiosité. Ces insectes se multiplièrent au point qu’il s’en répandit dans les montagnes. Leur fécondité étoit si grande, qu’une ruche donnoit un essaim,& quelquefois deux par mois, sans être soignée avec l’attention qu’on y apporte en Europe. Il n’est cependant pas encore sûr que ces abeilles soient de la même espèce que les nôtres. On sait qu’on a vainement tenté de transporter des essaims d’Europe en Amérique.

M. Geoffroy de Villeneuve, officier au bataillon d’Afrique, fils du célèbre auteur de l’histoire des insectes des environs de Paris, nous dit dans un