Page:Encyclopédie méthodique - Histoire naturelle, 5, Insectes 2, A-Bom, T4.djvu/440

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extrait manuscrit d’un voyage qu’il vient de faire au Sénégal, « qu’en remontant du côté de Guisguis, l’on voit une multitude d’arbres garnis de paniers ou ruches en paille fort bien tressée, dont l’ouverture est fort petite. Les nègres de ce pays n’y touchent que deux fois l’année pour en faire la récolte. La première se fait vers le mois de mai, & c’est la plus abondante : la seconde a lieu au commencement de décembre ; mais il faut peu compter sur celle-ci, soit à cause des pluies, soit par la mauvaise méthode des nègres, qui emportent le tout après avoir enfumé la ruche. On sera peut-être surpris, qu’un pays ou l’on trouve des fleurs en aussi petite quantité pendant la plus grande partie de l’année, puisse fournir à la nourriture de tant d’abeilles ; mais l’étonnement cessera, lorsque l’on saura que ces insectes se contentent de la gomme qui découle des arbres épineux, & qui en produisent tous en plus ou moins grande quantité ». Nous aurions désiré que M. Geoffroy eût observé, s’il eût été possible, si les abeilles se trouvent sauvages dans ces contrées, ce que nous sommes très-portés à croire, & si elles sont d’une espèce différente de celle d’Europe. Quelques voyageurs nous ont dit aussi qu’on trouve du miel à Madagascar, d’une couleur verte, d’un goût très-agréable, beaucoup plus liquide que le miel ordinaire ; mais ils ignorent s’il est fourni par la même espèce d’abeille.

Nous avons décrit les diversités de sexe que nous offrent les abeilles ; il nous reste une grande tâche à remplir ; il faut détailler l’industrie merveilleuse de ces insectes dans l’édification de leurs cellules, la collection de la cire, le soin de tout ce qui a trait au bien général & à la conservation de leur république. Nous croyons ne pouvoir mieux faire qu’énoncer simplement & succinctement les faits.

Les abeilles qui composent une ruche sont ordinairement très-nombreuses. On y compte une femelle, rarement deux, & presque jamais trois ; des mâles depuis deux jusqu’à neuf cents & plus ; des abeilles sans sexe au nombre de quinze à seize-mille ; mais celles-ci sont quelquefois beaucoup plus nombreuses : un essaim peut être composé de trente à quarante mille abeilles.

La seule occupation de la femelle est de multiplier son espèce : elle ne sort presque jamais de la ruche. On lui a donné le nom de reine, parce que tous les autres individus de la ruche sont un peuple de sujets empressés ou à lui faire la cour, ou à travailler à tout ce qu’exige le soin de ses enfans & l’édifice public. Les anciens ont donné le nom de roi à cette femelle. Ils ont débité à son sujet beaucoup de contes, que nous nous garderons bien de répéter. L’Histoire des abeilles n’a pas besoin d’être embellie. On a douté pendant long-tems si cette reine avoit un aiguillon ; Aristote lui en a donné un, & Columelle a prétendu qu’Aristote s’étoit trompé, qu’il avoit pris pour un aiguillon un gros poil qu’elle porte dans son ventre. Cette question n’étoit pas décidée du tems d’Aldrovande. Il étoit cependant bien facile de s’assurer de la vérité : on n’avoit qu’à presser le ventre de la femelle, on auroit vu sortir de son corps un aiguillon, qui ne différe de celui des ouvrières, qu’en ce qu’il est plus gros & un peu courbé, au-lieu que celui des autres est presque droit.

Les mâles ont reçu du peuple le nom de faux-bourdons. Comme la femelle, ils n’ont d’autre emploi que celui de propager l’espèce. Ils sortent de la ruche vers les dix à onze heures du matin, y rentrent de bonne heure, & ne retournent jamais chargés de cire ou de miel. On ne les observe pas toute l’année dans la ruche. Dès le mois de juin, ou au plus tard au commencement de juillet, la femelle ayant été suffisamment fécondée, les abeilles sans sexe tuent à coups d’aiguillons tous les mâles, qui, dépourvus d’une pareille arme, ne peuvent se défendre : elles arrachent même des cellules ceux qui sont encore sous la forme de larve ; elles les déchirent avec leurs mâchoires, & n’épargnent pas davantage ceux qui sont déjà en nymphes.

Les abeilles sans sexe sont aussi appellées neutres, mulets & ouvrières. Quelques auteurs allemands ont essayé vainement d’élever des doutes sur le défaut d’organes sexuels de ces ouvrières. Établies dans une ruche, dans un tronc d’arbre, ou dans un creux de rocher, leur première occupation est de boucher tous les petits trous & toutes les fentes, ávec une matière gluante, tenace, molle d’abord, mais qui durcit bientôt. C’est cette matière qu’on nomme propolis, mot grec qui signifie fauxbourg. Effectivement, les cellules étant la ville, la propolis forme des retranchemens extérieurs, auxquels on a pu donner ce nom. On croyoit que les abeilles recueilloient la propolis sur les peupliers, les bouleaux, les sapins, les ifs, les saules. Reaumur ne les a jamais trouvé occupées à cette récolte, & il en a vu employer la propolis dans les pays ou il n’y avoit aucun de ces arbres. Nous sommes donc portés à croire que cette matière peut être fournie par différentes plantes, ou qu’elle est le résultat d’une sécrétion propre aux abeilles sans sexe. C’est une substance résineuse, dissoluble dans l’esprit de vin & l’huile de thérébentine, d’un brun rougeâtre en-dehors, & jaunâtre en-dedans, répandant une odeur aromatique quand elle est échauffée ; mais elle est sujette à varier par la consistance, l’odeur & la couleur. On peut l’employer en médecine comme digestive ; & Reaumur a fait des expériences qui apprennent qu’on en tireroit parti dans les arts, si l’on négligeoit moins les matières simples & communes.

Les ouvrages extérieurs, formés de propolis, étant finis ou prêts à l’être, les abeilles commencent à construire les rayons ou gâteaux de la ruche. Ce sont des espèces de plans de cire, sur lesquels, des deux côtés, sont construites des cellules hexagones, pareillement de cire. Ces gâteaux sont ordinairement posés perpendiculairement, attachés au haut de la