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servit à de nouvelles expériences. Une partie fut mise sous une cloche de verre, avec un rayon de miel, une nouvelle reine, & des ouvrières, sans aucun mâle. L’autre partie fut placée sous une cloche semblable, avec du miel, une reine, des ouvrières, & quelques mâles : dans la première, les œufs ne changèrent point, & l’essaim les abandonna : dans la seconde, les mâles imprégnèrent les œufs, les abeilles n’abandonnèrent point la ruche, & vingt jours après, il sortit des œufs une nouvelle colonie, où se trouvoient deux reines.

D’après ces expériences, on ne peut guères douter qu’il n’y ait une imprégnation des œufs par les mâles, sur-tout ceux de petite taille, à la manière des poissons, sans accouplement ; mais cette manière empêcheroit-elle que les mâles, sur-tout ceux de grande taille, s’acouplassent avec la femelle ? C’est ce que nous ne croyons pas encore suffisamment démontré.

M. Debraw pense aussi, comme M. Schirach, que les œufs destinés à devenir des ouvrières, peuvent être transformées en femelles, lorsque le bien de la république le demande. Mais un fait si contraire à tous les autres nous paroît exiger des preuves encore plus fortes qu’on ne nous en a donné jusqu’ici.

Les anciens ont pensé que les œufs des abeilles étoient fécondés comme le sont ceux de la plupart des poissons. Ils croyoient qu’après avoir été pondus par la reine & placés dans les alvéoles, les mâles venoient les arroser de leur sperme. Swammerdam a été plus loin ; il a imaginé que la reine étoit fécondée par des esprits vivifians, qui s’exhaloient du corps des mâles. Les raisons sur lesquelles il fonde son sentiment, sont que la partie qui constitue le sexe des mâles, n’est point percée à son extrémité, & que son volume est trop considérable pour pouvoir être introduite dans le corps de la femelle. Reaumur paroît être persuadé que la fécondation de la reine s’opère, comme dans les autres animaux, par le concours du mâle & de la femelle ; c’est-à-dire, qu’elle est la suite de leur accouplement ; & cependant les expériences qu’il a faites à l’effet de s’en assurer, prouvent qu’il n’y a point d’intromission, mais que la femelle est fécondée par un simple contact. Il rapporte fort au long les agaceries qu’une femelle faisoit à un mâle qu’il avoit renfermé avec elle. Au bout d’un quart d’heure seulement, ce mâle commença à y répondre un peu. Les agaceries redoublèrent alors de la part de la femelle, & elle monta plusieurs fois sur le corps du mâle. Cependant celui-ci devint plus actif ; il s’anima de plus en plus ; il fit sortir, de la partie postérieure de son corps, les parties de son sexe ; mais il n’y eut point d’accouplement. Enfin, après bien des alternatives de caresses & de repos, le mâle tomba dans un état de langueur & mourut. On donna aussi-tôt un autre mâle à cette femelle, qui recommença les mêmes agaceries. On ne vit point d’accouplement ; le mâle, au bout de quelques heures, avoit hors du corps les parties qui caractérisent son sexe. Cet illustre observateur ne s’en tint pas là ; il mit dans deux poudriers différens, deux femelles, dont l’une étoit celle dont nous venons de parler. Il leur donna un mâle à chacune. Il vit aussi-tôt les mêmes caresses, les mêmes agaceries de la part des unes, & la même froideur, la même tranquillité de la part des autres. Cependant ces deux mâles s’animèrent peu-à-peu, jusqu’à ce qu’enfin, après bien des caresses préliminaires, celles-ci finirent par monter sur le corps des mâles, & recourbant l’extrémité de leur ventre, elles cherchèrent à l’appliquer contre l’endroit du derrière du mâle, où se trouvent les parties de son sexe. Il y eut même des momens où le derrière de la femelle s’appliqua exactement contre cet endroit ; mais il n’y resta qu’un seul instant, & les parties du mâle ne furent point introduites dans celles de la femelle. « La jonction du mâle avec la femelle se réduiroit-elle à cela ? Cet instant suffiroit-il, pour que ce qui est nécessaire de liqueur séminale, pour féconder une partie des œufs, fut introduit dans le corps de la femelle ? Et seroit-ce au moyen de pareilles jonctions, répétées un grand nombre de fois, que tous les œufs recevroient successivement des embryons en état de se développer ? C’est sur quoi je n’oserois prononcer. Au moins cet accouplement, quoique de courte durée, ressembleroit-il à d’autres, dont nous avons des exemples dans la nature ». (Reaum. Mém. tom. 5, pag. 506).

L’histoire des abeilles est si intéressante & si étendue, qu’elle seule a fourni des mémoires volumineux à Reaumur, & cependant elle n’a pas encore acquis toute sa perfection. Comme nous sommes forcés d’être courts, nous n’en dirons pas davantage, & nous nous contenterons de renvoyer à MM. Reaumur, Geoffroy, Valmont de Bomare, & à l’article Abeille, du Dictionnaire d’Agriculture, donné par M. l’abbé Tessier.

Linné & M. Geoffroy ont divisé les abeilles en deux familles ; en abeilles très-velues, nommées aussi abeilles bourdons, & en abeilles proprement dites, ou abeilles moins velues. Nous avons suivi leur exemple. On distingue les bourdons au premier coup-d’œil ; ils sont plus gros que les autres abeilles ; leur corps est couvert de poils plus longs & plus serrés ; ils volent avec plus de bruit, avec un bourdonnement qui leur a fait donner le nom qu’ils portent.

Les bourdons vivent en société peu nombreuse. Ils sont ordinairement au nombre de trente à cinquante, jamais au-dessus de cent. On y trouve, parmi eux, les trois sexes, dont nous avons parlé plus haut. La femelle est la plus grande, le mâle l’est un peu moins, & enfin les mulets sont beaucoup plus petits que ceux-ci. Les mâles seuls n’ont point d’aiguillon.

La plupart des bourdons font leur nid dans la terre, dans des tas de pierre, sous de la mousse, &c. Reaumur nous a donné l’histoire de ceux qui em-