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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.


peaux ; Jupiter, dans Hésiode, par la beauté de leurs toisons, dont Homère réservoit le travail aux princesses de son temps.

L’usage de la laine se perd dans les âges ; il ne nous en reste aucune trace. Moyse, Homère & toute l’antiquité, font mention des nombreux troupeaux de quelques peuples & de certains particuliers, comme de la principale richesse de ces temps reculés ; ils nous parlent de l’usage de les tondre, & de l’emploi de leur laine en vêtemens. Furent-elles filées ou feutrées dans le principe ? L’histoire n’en laisse rien soupçonner ; d’où l’on peut conjecturer la très-haute antiquité de l’une & de l’autre pratique. Cependant le feûtrage doit être antérieur à la filature ; chaleur, humidité, mouvement, pression, interposition de quelque matière fluide, saline, astringente, tout cela suffit pour l’opérer : or, ces choses se rencontrent déjà sur le dos même des moutons, lorsqu’ils ne sont pas tenus proprement : l’haleine, la sueur, l’urine, le crotin de ces animaux, leur pression les uns contre les autres & sur la litière échauffée, tout y concourt.

Les hommes des temps anciens, tels que les Pélasges & les Tartares errans de nos jours, vivant à la suite, à la garde de leurs troupeaux, avec & presque comme eux, en virent les laines, en se couchant dessus, se feutrer tout naturellement, plus complètement encore & par plus grandes masses. De la facilité d’en user ainsi, naquit l’idée de seconder, d’aider la nature ; voilà le principe de l’art. Déja les Anciens, comme nous le faisons aujourd’hui, employoient les acides au feutrage ; ils composèrent ainsi des feutres qui, au rapport de Pline, résistoient au fer & au feu : à peine ceux des artistes de nos jours résistent-ils à l’eau. Les soldats Samnites étoient armés de cuirasses, spongiœ, faites de laines, & fabriquées, selon Lipse, de la manière dont on fabrique nos chapeaux. Au rapport de quelques voyageurs, les Tartares dont j’ai parlé, font des tentes de feutre d’une seule pièce ; & il nous est parvenu d’eux, par la voie des Polonois, quelques chapeaux, dont l’épaisseur, l’étendue, la force & la souplesse nous étonnent : il n’y a peut-être pas un ouvrier en Europe, capable de faire un feûtre bien conditionné d’une toise en carré ; mais nous reviendrons sur cette matière au traité de la chapellerie.

Combien cependant l’idée simple du feutrage a dû précéder les idées très-composées de la filature & du tissage ! combien même la gradation de ces opérations sur les diverses matières a dû être sensible !

Déjà au temps des patriarches de la Genèse & des héros de l’Iliade, les étoffes étoient teintes de toutes les couleurs, ornées & enrichies de tout ce que la nature & l’art pouvoient fournir au luxe ; cependant les mœurs étoient encore telles, que l’homme dédaignoit de soumettre sa force au travail d’objets aussi futiles. Mars ou les champs, le soc ou l’épée ; le reste fut le partage des femmes dans la haute antiquité ; & lorsqu’Hérodote nous représente les hommes, en Egypte, gardant la maison & s’occupant