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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.


la fabrication & l’usage de ces barques de terre cuite, que la disette de bois fit inventer aux Egyptiens. Nous ne croyons plus, tant notre ignorance est extrême, à la trempe du cuivre, à la malléabilité du vere, &c. Que n’aurois-je pas à dire, si je jettois un coup-d’œil sur ces sciences sublimes, la morale, la législation, d’où l’amour de la justice, l’enthousiasme de son pays & des siens, que nous bégayons à peine, & dont la pratique pour nous est incertaine & factice ; & sur les Beaux-Arts, l’éternel enchantement de l’univers ; & sur la brillante Mythologie, l’ingénieuse allégorie, l’une & l’autre l’ame de la Poésie & les délices des gens de goût ? On n’invente plus ; on ne perfectionne rien : heureux de découvrir ce qui fut cent fois connu.

Mais revenons à Pline, le seul qui ait entrepris de lier les temps par les connoissances des hommes, & dont la masse de celles qu’il indique prouve, par rapport aux Arts, l’ignorance des Romains comparés aux nations qui les ont précédés, & celle des modernes comparés aux Romains eux-mêmes.

Quel est le procédé de ces feutres qui résistoient, nous dit-il, à l’effort du fer, auxquels son traducteur ne croit pas, ce qui importe peu ; celui qui rendoit les laines capables de résister à l’action du feu, ce que nie son traducteur, & ce qui est tout aussi indifférent ? De ces étoffes qu’on faisoit teindre pour les renouveller, lorsqu’elles avoient perdu de leur duvet par l’usage, & dont on ne savoit voir la fin ? De celle dont étoit la robe royale à tissu onduleux qu’avoit porté Servius Tullius, ouvrage de Tanaquille, & qu’on voyoit encore dans le temple de la Fortune, au temps de Marais Varron ? De celle de ces prétextes, ou robes dont fut vêtue la statue de la Fortune, & qui durèrent jusqu’à la mort de Séjan, c’est-à-dire l’espace de 560 ans, sans avoir perdu de leur couleur, souffert des teignes, &c. ?

Les laines les plus renommées d’Italie étoient celles d’Apulie, puis celles des moutons de la grande Grèce ou des campagnes de Tarente ; mais les plus blanches étoient aux environs du Pô ; celles de Milet, de la Gétulie, de l’Attique ne venoient qu’après.

La distinction des laines blanches, qui devinrent précieuses par la facilité de les mettre en œuvre & de les teindre en toutes fortes de nuances n’avoit pas fait une sensation marquée avant Caton & Varron. De leur temps, les laines jaunes étoient encore préférées chez les uns, les tigrées chez les autres ; les brunes ou noires par les Espagnols mêmes, quoiqu’on prétende, ce qui ne s’accorderoit guère pourtant avec cette opinion, qu’ils fournissoient, par la voie des Carthaginois, long-temps avant les guerres de ceux-ci avec les Romains, ces beaux draps que les Phéniciens & les Lybiens colportoient dans les contrées voisines, & sur lesquels Tyr appliquoit sa magnifique pourpre.