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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.


par corruption, hâtant, précipitant tout, fit perdre à ceux-ci jusqu’au sentiment de ce qu’ils furent, honteux de son avilissement, on n’oseroit lever les yeux sur l’antiquité, & l’on ne parleroit des anciens qu’avec un saint respect.

Toutes les matières, toutes les étoffes connues de nos jours, à la soie près, le furent dans des tems antérieurs à toute époque civile bien déterminée pour nous. Elle sont indigenes dans tous les pays où la civilisation & l’industrie, par tout nécessairement & réciproquement cause & effet, ont réuni les hommes en corps de nation, & les ont divisés en peuples.

Soie.La soie seule ne fut connue en Occident, qu’après une révolution de bien des siècles ; combien ne s’en écoula-t-il pas encore entre l’usage qu’on en fit, & l’art de la traiter ? Rien en cela ne doit nous étonner ; elle est une production naturelle de l’Inde, pays où ne voyagèrent guère que des avanturiers ; ils en rapportèrent des étoffes, long tems après ils en rapportèrent des soies qui n’étoient point travaillées, & qu’on s’avisa bien plus tard de mettre en oeuvre. Pamphilia, de l’Isle de Cos, trouva, dit-on, la première ce secret ; mais Pamphilia est supposée avoir vécu des siècles avant qu’on connût la soie du pays des Seres, de l’Inde, la vraie soie enfin ; celle qu’on disoit de Cos, n’étoit qu’un très-beau coton. Les Naturalises, les Historiens, les Peres de l’Eglise, dissertèrent longuement sur la nature de la soie, déclamèrent contre son usage. On l’employoit cependant, & malgré tout ce qu’en avoit dit Aristote, tous les Naturalises, les Poëtes [1] & les Historiens, jusqu’à Pline , & ce qu’en dit Pline lui même, on ne soupçonna ce que c’étoit que par Pausanias, & l’on ne s’en affura que sous Justinien, à qui des Moines rapportèrent de l’Inde, des œufs du ver qui la file, & le mûrier dont il se nourrit : cet Empereur répandit l’un & l’autre dans la Grèce, & en établit des manufactures dans ses principales villes. Roger ensuite revenant de la terre Sainte, & passant en Grèce comme un torrent, les entraîna en Sicile & en Calabre, d’où se propageant lentement, la soie & le mûrier gagnèrent le reste de l’Italie, l’Espagne, la France enfin, où

  1. Virgile, Pétrone, Séneque, &c. suivant l’opinion de leur temps, regardent bien la soie comme une production de la Sérique, mais comme un duvet, une bourre de certains arbres propres à cette contrée.
    Quid nemora Œthiopum molli canentia lana ?
    Velleraque ut foliis depectant tenuia Seres ?

    (Georg. Liv. 2.)

    Ce n’est plus de la laine blanche, du coton, comme en Ethiopie, comme aux Tylos, c’est un duvet, une bourre, une fine toison qu’on recueille sur la feuille des arbres au pays des Seres.

    …………Illine nova vellera Seres : ( Poëme de la Guerre Civile.)
    Et quocunque loco jacent
    Seres vellere nobiles
     : (Ch. art. 2 de Thyeste.)
Arts & Manufactures. Tome 1. Prem. Part.
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