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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.


sous le règne de Louis XI, s’éleva la première manufacture de soieries, trois siècles après celles de la Sicile, par Roger ; & plus de mille ans après celles d’Athènes, de Thèbes & de Corinthe, par Justinien, sans qu’on ait pû naturaliser la soie dans aucune de ces contrées, puisque ce n’est qu’à force d’art qu’on y fait éclore, qu’on y élève & qu’on y perpétue les vers qui nous la donnent.

Inutilement voudroit-on jetter ses regards sur l’Histoire d’aucune autre espèce de manufactures ; leurs progrès sont aussi inconnus que leur origine ; on ne trouve dans les Auteurs, que quelques faits isolés ; par tout c’est un labyrinthe sans fil ; on fait qu’elles fleurirent successivement en Asie, en Egypte, en Grèce, en Espagne, en Germanie, & chez tous les peuples, d’Orient en Occident. On peut soupçonner que la toile étant commune chez les Orientaux, à raison du climat & de l’abondance des matières premières, ces sortes de manufactures, ainsi que celles de soie dans l’Inde, y ont pris naissance, & qu’elles y ont été très répandues, même en Grèce, dont les peuples étoient d’origine Egyptienne ou Phénicienne : les monuments, ainsi que les Auteurs, ajoutent d’ailleurs tout ce qu’il est possible d’ajouter à cette conjecture. Comment après cela ne pas s’étonner de l’assertion de Goguet, qui répète ce qu’il a dit, savoir que les Grecs ne connoissoient point le linge, quoiqu’ils fussent anciennement tous habillés de toile, & que leurs statues des plus beaux tems, celles des femmes du moins, puisque celles d’hommes ne sont pas drapées, ont le vêtement de dessous en linge ? Qu’ils ne connoissoient point les souliers, quoique les souliers, suivant Pline, ayent été inventés par eux en Béotie, & qu’Homere fasse trouver à Ulisse en rentrant chez lui, son intendant Eumée occupé à s’en ouvrer une paire, ainsi du reste ? qu’ils n’avoient ni boutons ni boutonnières, ce qui est également faux, comme l’attestent quelques monuments ; non dans le costume ordinaire, où ils n’en avoient que faire ; d’après quoi cependant il ne craint pas de conclure leur ignorance dans les Arts.

Goguet se trompe encore, lorsqu’il conclut que la plus grande partie du genre humain a été long-tems sans connoître le fil, de ce que les Groënlandois cousent leurs habits avec des boyaux de chiens marins, & les Samoïedes avec les nerfs des animaux, & c’est une infidélité de sa part, de généraliser le passage d’Hésiode, qui, par la raison qu’il particularise l’usage de ces nerfs pour coudre les peaux de chèvres, dont il conseille de se faire un manteau en tems de pluie, ainsi que nos Selliers en cousent certains harnois, prouve l’usage des fils ordinaires, pour coudre les vêtements de draps dont il parle également.

On est fâché de voir que l’Auteur de tant de recherches les ordonne souvent avec une logique telle, qu’on est porté à tirer des conséquences contraires des mêmes faits. L’art de filer & de tisser la laine & le lin, connu très-